Chroniques

par bertrand bolognesi

Paulet, Gagneux, Duruflé et Poulenc
Les Éléments et l’Ensemble vocal Michel Piquemal

Festival d’Art sacré / Basilique Sainte Clotilde, Paris
- 25 novembre 2011

C’est sous l’imposant Cavaillé-Coll de César Franck que sont données quelques œuvres de compositeurs d’inspiration chrétienne, par le Chœur Les Éléments et l’ensemble vocal Michel Piquemal. Élève de Raymond Guillot, François-Henri Houbart, Louis Robilliard et Marie-Claire Alain, le jeune Vincent Grappy, aujourd’hui titulaire de l’orgue de la Cathédrale Saint Louis de Blois, prête son concours à la soirée en faisant retentir les registres richement de l’instrument.

Pour commencer, nous entendu un De Profundis écrit en 1997 par Vincent Paulet, et créé par les interprètes du jour en 1999. Le psaume s’articule en plusieurs sections : d’abord une litanie psalmodiée, mystérieuse et funèbre, puis un canon richement polyphonique, utilisant des descentes chromatiques répétées et décalées, dans une écriture volontiers soliste au ton virevoltant et inquiet qui évolue vers un troisième passage beaucoup plus serein, comme fatigué des prouesses précédentes, dans lequel revient la psalmodie initiale, formant un lancinant ostinato à des interventions solistes joliment réalisées. L’œuvre se termine par un doux développement bouches fermées. En cela, la construction respecte parfaitement l’esprit du texte qu’elle se propose de magnifier. Une petite tendance à s’écouter la prive de concision.

Les deux formations chorales associent leurs forces masculines dans une interprétation plutôt réussie de la Messe Op.11 Cum Jubilo de Maurice Duruflé dans laquelle on retrouve la grande clarté d’écriture du maître de Saint Étienne du Mont, digne héritier de Vierne, Tournemire et Dukas. L’évidente et calme joie de la lecture du Kyrie se montre plaisamment évocatrice. Si les unissons du Gloria ne bénéficient pas d’une précision à toute épreuve, le Sanctus est presque intégralement trop bas, tandis que l’Agnus Dei final gagne un saisissant mystère, après la pompe déclamatoire de l’orgue du Benedictus qui rappelle la grandiloquence des Widor, Dupré ou de l’Alsacien Boëllmann,soutenant un baryton solo quelque peu emprunté. C’est cependant cette œuvre qui, après le concert, occupera notre souvenir, se donnant pour ce qu’elle est, sans plus, dans une vraie ferveur spirituelle, toute simple (« la prière du petit pâtre », comme disait Bernanos).

Avec la Messe Op.42 et Op.43 de Renaud Gagneux, au souci de justesse des Éléments répond un problème d’attaque assez systématique de la part de l’ensemble Piquemal. Pourquoi deux opus ? En fait, la messe pour chœur et instruments fut écrite en 1975, et c’est vingt ans plus tard que six pièces d’orgue solo, composées dans les années 80-90, étaient rassemblées, formant une seconde messe jouée en alternant ses mouvements aux hymnes liturgiques. La version ainsi intriquée est donnée ce soir en création mondiale. L’on admire une nouvelle fois la précision de Vincent Grappy, jouant sur les effets d’attaques brèves superposées à un continuo énigmatique pensés par Gagneux. En revanche, l’insuffisance de la diction des choristes nuit à la célébration. Indéniablement, le musicien mêle les esthétique : une sorte de néoromantisme tremblant à l’orgue, une austérité compassée pour un Credo repoussoir qui fera douter chacun de sa date effective de baptême, ou encore une piécette d’orgue intermédiaire entre le Sanctus et le Benedictus complètement néo-tonale, répétitive, inventive comme un chant de Noël new age « entonnable » par une certaines souris noir et blanc américaine.

Pour finir, les deux chœurs donnent les Litanies à la Vierge Noire que Francis Poulencécrivit suite au choc que fut pour lui la rencontre avec la Vierge de Rocamadour, en août 1936. L’exécution commence assez maladroitement, surenchérissant les accents et les fortissimi de la première partie jusqu’à rendre l’ensemble lourd et comme encaustiqué. La lumière surgit pour les exhortations désolées de l’exceptionnelle coda, sur un fil d’une touchante délicatesse.

En conclusion, demandons-nous des cendres de quel bûcher le Phoenix prétend-il renaître... et si cela en vaut-il bien la peine !

BB