Chroniques

par laurent Bergnach

OTRO (or) weknowitsallornothing
spectacle d’Enrique Diaz et Cristina Moura

Festival d’Automne à Paris / Théâtre 71, Malakoff
- 20 octobre 2010
OTRO (or) weknowitsallornothing, spectacle d’Enrique Diaz et Cristina Moura
© dr

Après deux représentations à La Ferme du Buisson (Marne-la-Vallée), OTRO (or) weknowitsallornothing, le spectacle conçu par les Brésiliens Cristina Moura et Enrique Diaz – respectivement danseuse et chorégraphe, comédien et metteur en scène –, s’installe ce soir à Malakoff. Le public entre dans la salle au son d’un reggae tendrement énergique (mâtiné de bossa ?), rythmé par une guitare électrique et un synthétiseur. Proches de ceux d’entre eux qui tiennent alors un instrument, certains comédiens sont assis à la périphérie d’un espace de jeu délimité par divers revêtements (carrelage, parquet, lino) que d’autres parcourent à leur convenance. En fond de scène, un large écran tendu surplombe chaises et plante verte.

Durant une heure et demi chaotique, la compagnie Colectivo Improviso livre des minutes de comédie musicale (sur le standard I’ve got you under my skin) ou purement visuels, mais avant tout des plages de vie confiée (un automobiliste écoutant du Peter Tosh sur la route de Huy à Namur, une étudiante en sociologie qui attend son fiancé au port de Niterói, une femme qui se raconte avant-après l’attentat ou un homme qui se retrouve nu et tatoué au réveil d’une cuite), des confrontations (entretien télévisé ou insultes), des fragments abordant l’identité, le bonheur, la mort, etc. Entre les mots de portugais, d’anglais et de belge, affleurent le son d’un accordéon, celui d’une barbe rêche frottée sur un micro...

En évoquant des gens de l’entourage des interprètes, des rencontres au hasard des rues,OTRO s’intéresse à la représentation de l’autre – tout ce qui n’est pas moi, ce qui n’est pas ce que je pense être moi – et à la question de la mise en relation avec autrui. Directeur du collectif, Enrique Diaz explique : « Je considère vraiment la pièce comme un tout – même si certains peuvent n’y voir qu’un collage. La tentative de traiter de la diversité des matériaux comporte des risques, mais j’ai l’impression que cela permet de changer la manière de voir les choses ».

La partie consacrée à rendre compte d’une journée ordinaire, avec des vues extérieures qui donnent chair à un récit creux, s’avère la plus intéressante d’un spectacle tout au moins sans prétention. Elle est d’ailleurs la seule. Rien d’autre n’accroche notre esprit ou notre cœur, au point qu’on se pose la question, à l’issue de trois laborieux rappels des artistes : OTRO est-il tellement profond que l’on est passé à côté de sa substantifique moelle, ou bien si superficiel que son souvenir s’estompe nécessairement à peine arrivé chez soi ?

LB