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Chroniques
Orchestre Symphonique et Lyrique de Nancy
Sebastian Lang-Lessing joue deux symphonies de Ropartz
Élève de Franck et de Massenet à Paris, le compositeur Joseph-Guy Ropartz est aujourd'hui presque absent de la scène musicale. Il est l'auteur de nombreuses mélodies traversées d'une esthétique Art nouveau, d'œuvres religieuses et de six symphonies que l'Orchestre Symphonique et Lyrique de Nancy (OSLN) a décidé d'enregistrer lors des concerts d'ouverture de sa saison. Voilà un hommage tout naturel, la ville lorraine ayant bénéficiée vingt-cinq années durant de l'influence et de l'enseignement du breton Ropartz, alors directeur de son conservatoire et de sa société de concert. C'est à ce titre qu'il dirigeait ici même, Salle Poirel, la création du Poème de Chausson (27 décembre 1896), accompagnant l'illustre Eugène Ysaÿe... Le public nancéien put entendre les première et quatrième symphonies jeudi et vendredi, tandis que les cinquième et sixième lui seront données ce week-end (concerts gratuits) et les deux autres en juin – autant de précieux live à paraître (Timpani).
Après quelques mots de bienvenue, Sebastian Lang-Lessing, directeur musical de l'OSLN depuis cinq ans, s'engage avec fougue dans le climat romantique encore assez tempétueux du premier mouvement de la Symphonie en la mineur n°1 « Sur un choral breton », une œuvre dédiée à Duparc et composée l'année même où Ropartz prenait ses fonctions à Nancy (1895). L’interprétation s'avère sensiblement nuancée, dans une sonorité équilibrée. Si l'on goûte l'indéniable dynamique de l'ensemble des cordes, le solo de violoncelle offre une exquise suavité. D'un sentimentalisme hérité de Fauré et proche de Chausson, par conséquent distinctement wagnérien, ce mouvement est servi par un judicieux appui sur les cordes graves, fiables et musclées, et un travail contrasté, doté d'une grande puissance évocatrice. Toutefois, les trois accords finaux gagneraient à une sonorité plus scintillante.
Le mouvement suivant appelle une certaine sensualité que Lang-Lessing ne convoque pas. Sa lecture accuse les défauts de ses qualités, pour ainsi dire : construction, précision, tonicité et tension dramatique l'emportent sur l'élégance de certains traits qui, sans jamais être badins, invitent au jeu. Félicitons l'altiste solo qui livre quelques phrases précieusement phrasées. En revanche, l'option de relative précarité des cordes pour l'exposition du thème discrètement coloré de folklore breton (début du dernier mouvement) est une excellente idée, magnifiée par une réalisation idéale. Le développement prend son envol et devient de plus en plus fluide, voire léger. Soignée et vaillante, la section de cuivres se révèle plus satisfaisante qu'au début.
Les quatre mouvements enchaînés de la Symphonie en ut majeur n°4 écrite par Ropartz une quinzaine d'années plus tard (créée à Boston en 1910) bénéficient d'un fin travail sur la masse orchestrale. L’exécution repose essentiellement sur la puissance lyrique. Le résultat est généreusement dramatique, parfois même grandiloquent, mais sans véritable subtilité. Indéniablement, cette musique est plus raffinée qu'elle le paraît ici. Avec une sorte d'adagietto douloureux, interrompu par une danse un rien bucolique, un climat général grave et désolé, et jusqu'à la fugue magistralement construite, la clé de voûte de la symphonie est jouée dans une clarté bienvenue, tandis que la fin révèle un chef enfin plus souple. Si, sans s'étirer jamais, le retour au calme se teinte de quelque chose de relativement mahlérien, la partition invite une couleur chatoyante ; l'OSLN tend à une sonorité « française » qu'il ne maintient cependant pas sur la longueur.
À toutes celles et ceux qui souhaiteraient en connaître d'avantage sur Joseph-Guy Ropartz, nous conseillons l'écoute de l'opéra Le pays, CD paru chez Timpani il y a deux ans (avec les voix de Mireille Delunsch et Gilles Ragon, entre autre, ainsi que l'Orchestre Philharmonique du Luxembourg), la lecture des ouvragesJ. Guy Ropartz, Étude biographique et musicale de Louis Kornprobst (Éditions Musicales d'Alsace) et J. Guy Ropartz, l'homme et l'œuvre de Fernand Lamy (Durand), ainsi que les concerts 2004/2005 du Conservatoire National de Région de Nancy et de l'ensemble Stanislas où seront donnés les Quatuors en ré mineur n°2 (10 octobre) et en sol majeur n°3 (16 mai), la Sonatine pour flûte et piano et la Sonate pour violon et piano (6 avril), Les heures propices (31 janvier), Deux pièces pour quintette à vents (28 février) et La chasse du prince Arthur (16 et 17 mars).
BB