Chroniques

par jérémie szpirglas

Orchestre Philharmonique de Luxembourg
Emmanuel Krivine joue Debussy, Dvořák et Gershwin

Festival de Radio France et Montpellier Languedoc-Roussillon / Corum
- 18 juillet 2009
Katia et Marielle Labèque jouen Rhapsody in Blue au Festival de Montpellier
© dr

Pour leur second concert au Festival de Radio France et Montpellier Languedoc-Roussillon, Emmanuel Krivine et l'Orchestre Philharmonique de Luxembourg présentent trois conceptions très différentes de l'écriture symphonique que ne séparées pourtant que quelques dizaines d'années seulement.

L'entrée en matière est prometteuse, avec une partition méconnue de Claude Debussy, une suite symphonique intitulée Printemps. Composée en 1887, cette œuvre ambitieuse pour chœur, piano à quatre mains et orchestre est un « envoi de Rome » – l'une de ces œuvres que les pensionnaires de la Villa Médicis devaient envoyer à l'Académie pour témoigner de leur travail. Refusé par l'Académie qui le jugera d'un « impressionnisme vague » (décidément, ce terme d'impressionnisme sera souvent employé péjorativement avant de prendre le sens mélioratif qu'il a aujourd'hui, tant en peinture qu'en musique) et se dira « en droit d'attendre mieux d'un musicien aussi doué que M. Debussy », ce Printemps précipitera la rupture du jeune compositeur avec les vieux tenants de l'académisme. L'œuvre est certes audacieuse – même dans la nouvelle orchestration, sans chœur, réalisée sur les conseils de Debussy par Henri Büsser, que nous entendons ici. Sans atteindre au sublime qui viendra, les couleurs harmoniques et l'orchestration annoncent les plus belles pages de La mer et des Nocturnes.

Elles en seraient presque dignes, d'ailleurs, si Krivine parvenait à trouver dans l'orchestre un souffle narratif fédérateur. S'il ménage un bon équilibre aux divers plans sonores, si les cordes sont homogènes et les solos de bois bien mis en valeur, tout comme les superpositions motiviques, l'ensemble manque singulièrement de contrastes et d'un véritable élan dynamique. Cette absence de relief, probablement due à un manque d'attention au détail, plombera également la seconde partie du concert – une interprétation, majestueuse et empesée, de la Symphonie en ré mineur Op.70 n°7 de Dvořák durant laquelle Krivine fait parler toute la puissance de son orchestre sans se soucier d'en raffiner nuances et phrasés.

Un répit est toutefois accordé entretemps avec une Rhapsody in Blue (Gershwin) explosive où les bois et les cuivres s'en donnent à cœur joie. Ardent et joueur, l'orchestre se met au service des sœurs Katia et Marielle Labèque [photo] qui se partagent la partie soliste. Bien qu'efficace, leur propre arrangement pour deux pianos n'est toutefois convaincant : il n'est pas suffisamment radical ou « dépaysant » pour nous offrir une nouvelle lecture de la partition, et prend plutôt l'allure d'un remix commercial. Tantôt étoffement de l'harmonie, tantôt renforcement du volume face à l'orchestre, cette nouvelle version ne vaut finalement que pour le dialogue entre les deux pianistes – l'une extrêmement nerveuse et brillante, l'autre plus poétique, soignée et colorée – qui donne lieu à quelques audaces contrapuntiques.

JS