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Chroniques
Orchestre national de Lyon
Leonard Slatkin joue Berlioz et Stravinsky
Les relations entre Berlioz et la cité lyonnaise ne sont plus à démontrer. De son vivant déjà, il dirigeait un festival de ses propres œuvres (Grand-Théâtre, juillet 1845), avant d’y retrouver (nettement après) Estelle, son amour de jeunesse, alors bourgeoise rangée (et âgée). Plus tard, c’est d’un projet réunissant la petite cité dauphinoise de La Côte-Saint-André, patrie de notre Hector national, à Lyon, via son orchestre que dirigeait alors Serge Baudo, qu’en 1979 naquit la première mouture du Festival Berlioz dont les concerts alternaient dans les deux villes. On comprend donc aisément que l’Orchestre national de Lyon est par tradition une phalange habituée du festival nouvelle formule, généralement placé sous la direction de son directeur musical du moment, aujourd’hui le maestro américain Leonard Slatkin.
La présente édition n’y manque point, à travers une programmation résolument berliozienne – enfin presque ! – qui mêle le symphonique au chant. Consacrée à la célébrissime et brillantissime Ouverture de Benvenuto Cellini, puis l’étincelante Invitation à la valse, orchestration de l’opus 65 de Weber (version originale pour piano) réalisée par Berlioz afin d’inventer un ballet à la création française du Freischütz à Paris, l’introduction du concert illustre la composante purement orchestrale de la soirée, et l’illustre superbement grâce à la veine fusionnelle, l’osmose parfaite, la richesse féconde développées par les divers pupitres de l’ONL.
Souvent moins célèbres, comme La belle voyageuse (quatrième des Neuf mélodies irlandaises Op.2) et La captive Op.12, sans parler du si expressif Roi des Aulnes, orchestration de l’Erlkönig de Schubert, plusieurs mélodies font retrouver l’art de Berlioz à traiter le chant et la voix. Le mezzo-soprano Véronique Gens y apporte sa clarté, bien modulée, son émission expressive et nuancée, en pleine communion avec la composante instrumentale fort bien servie.
Une question subsiste : que le maestro Slatkin ait voulu une présence « extra berliozienne » en fin de soirée, pourquoi pas, mais afin de rester dans le climat musical ainsi créé, n’eut-il pas été à la fois original et plus judicieux de puiser dans le (riche) monde symphonique des contemporains du Français, aux succès souvent nettement plus marqués que les siens ? Un Daniel-François-Esprit Auber, un Napoléon Reber, un George Onslow, voire un Camille Saint-Saëns ou un Vincent d’Indy, par exemple. Pourquoi aller à des années lumières de ce monde de la musique française du XIXe siècleet puiser dans le modernisme russe façon Stravinski et son éclatant autant qu’archi joué Sacre du printemps ? Le chef se délecte visiblement dans ce répertoire et le dirige avec autorité.
GC