• concert

Avant de partir en tournée en Chine, l'Orchestre national de Lille donne encore un concert sous la baguette de Dmitri Kitaïenko, vainqueur russe du Concours de direction Herbert von Karajan en 1969. Il est l’ancien directeur musical de l'Orchestre Philharmonique de Moscou, de l'Orchestre de la Radio Hessoise et du Philharmonique de Bergen.

Dmitri Kitaïenko est indiscutablement un chef possédant une aura, qui impose sa personnalité aux formations qu'il dirige d'une battue claire, élégante, et très agréable à contempler. Il prend beaucoup de libertés avec la Symphonie en mi bémol majeur K.543 n°39 de Wolfgang Amadeus Mozart en étirant le tempo, pour un résultat assez surprenant et partiellement convaincant. Il prend la mesure des deux premiers mouvements, qu'il assombrit fortement, avec un Adagio introductif lent, massif et inquiétant, suivi d'un Allegro puissant et retenu, qui en impose par une carrure un peu intimidante. Très amer, l'Andante connaît un tempo assez lent et se distingue par des phrasés longs et éloquents. Le résultat est moins intéressant dans les deux mouvements suivants : le savoureux Menuet manque de rebond et d'assise rythmique, alors que l'articulation du Finale, d'un rythme un peu lourd, n'est pas assez nette.

La deuxième partie permet d'entendre Kitaïenko dans un répertoire auquel on l'associe plus volontiers, puisqu’il s’agit de la Symphonie en mi mineur Op.64 n°5 de Piotr Tchaïkovski. Il en donne une version très idiomatique, au style direct et sans arrière-pensée, aux passions assumées sans complexe, version qui ne sombre ni dans un sentimentalisme de mauvais goût, ni dans une démonstration de bruyant « pompiérisme » – « à fond, mais sans exagérer » pourrait être la devise de cette interprétation pleine de naturel, conduite dans des tempi modérés, comme Mozart précédemment, mais qu'il habite de façon bien plus convaincante. Le premier mouvement est superbement construit, attaqué avec fougue et puissance, avant un Andante cantabile poignant : phrasés chaleureux, respiration toute naturelle, et un cor solo qui flirte avec le sublime. Après ce sommet d'émotion, la valse du troisième mouvement est d'une légèreté charmante et d'une fluidité bienvenue. Elle prépare un dernier épisode bien mené, flamboyant et triomphal, dense sans être pesant. Le chef conclut par une Coda au souffle impressionnant.

RL