Chroniques

par bertrand bolognesi

Orchestre national de France dirigé par Ingo Metzmacher
œuvres de Beethoven, Rudi Stephan et Strauss

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
- 11 janvier 2007
le chef d'orchestre Ingo Metzmacher photographié par Mathias Bothor
© mathias bothor

Encore trop rare en France où il semble moins connu du public que le laisserait présumer son talent, Ingo Metzmacher dirige cette fois les musiciens de l’Orchestre national de France dans un programme allemand conclu par Also sprach Zarathustra. Si dès les premiers pas la profuse subtilité de dynamique et de couleurs frappe l’écoute, l’ensemble de l’interprétation avance dans une respiration toujours alerte, traversée d’un élan durable que nourrit un grand souffle. Mais si l’on admire la superbe du geste général, les trop nombreuses approximations de la réalisation circonscrivent l’enthousiasme. Ce soir, les solistes de notre orchestre accusent une petite forme, livrant des traits peu soignés, et certains tutti gagnent à ne pas être écouter de trop près.

S’ouvrant elle aussi sur un tremblant qui, dans l’ordre du concert, semble annoncer le début du poème symphonique de Richard Strauss, la Muzik für Orchester in einem Satz de Rudi Stephan bénéficie d’une approche nettement satisfaisante. Ici, les instrumentistes servent fidèlement la partition, suivant Metzmacher dans une lecture progressivement lyrique. L’alternance d’une obsessionnelle rêverie et de véhéments épisodes plus toniques, voire héroïques, ne se perd pas dans une dramatisation excessive de l’œuvre, de même que le chef, tout en profitant généreusement du travail des timbres, se garde d’en accentuer trop les possibles voluptés. C’est précisément avec la création de cet opus que le compositeur accéderait à une certaine notoriété, à vingt-six ans. Ceux qui disparaissent tôt restent éternellement jeunes, dit-on ; deux ans plus tard, Stephan serait victime de la guerre. On se prend à rêver ce qu’aurait pu écrire ce musicien inspiré dont certaines moires s’apparente assez évidemment à celles de Franz Schreker – on pense surtout au prélude du troisième acte de Die Gezeichneten, opéra conçu également au tout début des années dix – tout en affirmant le souci d’un discours moins lâche qui le rapproche d’Alexander von Zemlinsky. C’est précisément ce riche antagonisme qu’Ingo Metzmacher souligne par la grande clarté de sa conduite.

La partie médiane de la soirée fait un bond de près d’un siècle, avec le Concerto en ut mineur Op.37 n°3 de Ludwig van Beethoven. Le pianiste russe Alexeï Volodin se lance dans un Allegro assez sec amorçant çà et là une sonorité plus raffinée qui, dans le Largo central, se révèle constante demi-teinte un rien feutrée, déroutante brume intérieure. Voilà un artiste qui ose sortir des sentiers battus et prendre des risques ! Mais si ce ton introspectif retient l’écoute, il n’est pas encore assez profondément tenu. Reste qu’il indique une voie à explorer et invite à retrouver Alexeï Volodin dans le même concerto d’ici quelques années. L’exécution du dernier mouvement se montre plus capricieuse, précipitant certains traits dans une inventive mobilité de tempo.

BB