Chroniques

par david verdier

Orchestre national de France
Peter Rösel et Manlio Benzi

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
- 26 mai 2011

Petite surprise à la tête du National : Manlio Benzi remplace Kurt Masur, au pied levé. Son nom n'est pas familier au public français, les Parisiens le découvriront la saison prochaine dans Orphée et Eurydice à Garnier (version dansée). Son approche de la modeste Symphonie en ré majeur D200 n°3 de Schubert permet de se faire une idée prometteuse de ce qui nous attend en 2012. La ligne thématique est rigoureuse et bien menée, n'hésitant pas à souligner ci et là le timbre laiteux de la clarinette ou les traits des cordes. Les attaques, marquées du corps et de l'épaule par Sarah Nemtanu, traduisent une certaine nervosité et sans doute un nombre insuffisant de répétitions. Cette nervosité se dissipe progressivement au cours de l'Allegretto. Le trio est parfaitement conduit, le chef piaffant même du talon pour le faire avancer et marquer exagérément la levée sur le troisième temps. Le finale court sans haleter, libérant la belle énergie circulaire du thème. La lecture est ici plus énergique que narrative, sans les mystères et les faux-semblants que propose la partition.

Une bizarrerie, pour enchaîner : la Wanderer Fantasie en ut majeur Op.15 D760, oserait-on dire « remixée » par Ferenc Liszt afin d’en faire ressortir l'élément virtuose le plus superficiel et décoratif. Dans cette pièce déjà assez indigeste dans sa version pour piano seul, il n'est pas certain que soit du meilleur effet l'ajout de roucoulades à la flûte pour doubler les figures à la main droite. On pense en particulier au saccage en fausse stéréo de bons enregistrements mono. Certains fragments de phrases sont subitement confisqués au soliste, Liszt n'hésitant pas à faire basculer tout l'intérêt de la pièce (dialogues, thèmes, etc.) à la partie d'orchestre tandis que le piano triture dans le grave un fouillis de notes sans intérêt. La chose est d'autant plus regrettable que Peter Rösel est un bon, un excellent pianiste, au demeurant. Jamais démonstratif mais concentré sur une belle palette de sons malgré la masse de l'orchestre qui l'écrase un peu quand il devient trop virtuose. La partie soliste qui sert de cadence est très ennuyeuse, doublée d'un solo de violoncelle fort kitsch obligeant le piano à dévider des guirlandes d'arpèges. En bis, un bon et robuste Impromptu en la bémol majeur Op.post.142 D935 n°2 de Schubert, avec des plans sonores clairs, plus proches de l'affirmation que du murmure.

Remplaçant la Mephisto Waltz et Les Préludes de Liszt prévus à l'origine, c'est avec la plus italienne des symphonies de Sibelius – en ré majeur Op.43 n°2 – que la soirée se conclut. L’Orchestre National de France impressionne d'emblée par une belle intensité du discours et un rebond admirable des cordes. Les changements d'atmosphères sont parfaitement réussis, même si les interventions de la petite harmonie mériteraient d'être plus incisives et goguenardes. L'Andante (rubato) sur fond de pizzicati développe une couleur dramatique bien caractérisée. Aux timbales l'engagement de François Desforges force l'admiration. Par contraste les cuivres semblent manquer de raucité et d'investissement. Le Vivacissimo est d'une précision redoutable, idéale pour lancer le ressac du thème dialogué entre cordes et hautbois solo rustique. Le lyrisme du final tend davantage vers Puccini que vers le grand modèle avoué, Tchaïkovski. On admire au passage ces bruissements de la forêt joués sul tasto et démontrant à ceux qui en doutaient que l'orchestre est capable de dominer un répertoire insuffisamment fréquenté sous nos latitudes.

DV