Chroniques

par laurent bergnach

On-Iron
spectacle de Philippe Manoury

Cité de la musique, Paris
- 4 avril 2005
On-Iron, dernière création de Philippe Manoury
© dr

Pour sa dernière création qui convoque quatre chanteurs solistes, chœur, percussions, électronique et des images, Philippe Manoury s'est inspiré de la pensée d'Héraclite d'Ephèse (philosophe hellène qui vécut aux alentours de 500 avant J.C.), laquelle nous a été restituée par des commentateurs. L'œuvre n'est ni un opéra, ni un oratorio, ni une cantate, mais plutôt une « représentation dans laquelle les mots d'Héraclite constituent le noyau initial à partir duquel se déploient les sons, les images et leurs distributions spatiales respectives ». « […] structuré comme un rêve qui en engendre d'autres », On-Iron relie donc une pensée très ancienne à celle du présent et même de l'avenir, puisqu’on expérimente ce soir un dispositif d'interaction sons/images réalisé à l'Ircam.

Un immense écran opaque sépare la salle de la scène, qui devient translucide selon le degré d'éclairage. Derrière, les chanteurs et musiciens dirigés par Laurence Equilbey ; en surface, des projections plus ou moins inspirées. Pourquoi retrouve-t-on, une fois de plus, la musique d'aujourd'hui illustrée par des nuages, des brisants, des fumerolles et autres clichés New Age, traités si platement, de surcroît ? L'originalité était pourtant à portée de main, comme l'impression de 3D obtenue avec ce masque qui tourne sur son axe ou cet anneau de flammes qui devient tunnel. Même si la lenteur de certaines superpositions est plus intéressante que les images elles-mêmes, on finit par se demander qui de la musique ou du film vient servir l'autre, si la phrase « ne sachant pas écouter, ils ne savent pas non plus parler » n'est pas une flèche décochée aux critiques présents, et si l'ennui gagne d'autres personnes du public.

Yannis Kokkos aurait-il envisagé cette baisse d'attention durant sa conception scénique, ce n'est pas la sortie des trente-six membres d'Accentus et leur retour cinq minutes après, au milieu de l'œuvre, qui allait sauver la situation. La musique, plus onirique qu'ironique, participe au lent désintérêt qui nous gagne, et le son cotonneux du steel drum rembourre peu à peu l'oreiller.

Enfin, la prestation des solistes n'arrange rien : aigus tendus pour le soprano Kristina Vahrenkamp, belle couleur mais voix facilement couverte pour l'alto Hélène Moulin et le ténor Maciej Kotlarski ; seul le baryton Paul-Alexandre Dubois allie puissance vocale et timbre séduisant. Parfois, le rêve tourne au cauchemar…

LB