Chroniques

par cécil ameil

Nicolas Deletaille et Jean-Michel Dayez
pièces pour violoncelle et piano

Palais des Beaux-arts, Bruxelles
- 21 septembre 2003

Les deux jeunes instrumentistes Nicolas Deletaille (violoncelle) et Jean-Michel Dayez (piano) interprètent un savoureux petit programme sans entracte, dans la grande salle Henry Le Bœuf. Le violoncelliste, Bruxellois qui a déjà enregistré et se produit à la radio, commence ce récital par la Suite en ut mineur BWV 1011 n°5 de Johann Sebastian Bach et un morceau contemporain d’Aldo Platteau (écrit en 1977). D’emblée, on est séduit par la concentration et la ferveur qu’il met dans son jeu.

Certes, le Prélude de la Suite de Bach commence lent et peu mordant, mais déjà chantant ; et très vite, une animation certaine se met en place. L’Allemande démarre également en lenteur, avec cette caractéristique que l’archet n’appuie pas chaque note, et que trilles et ornementations y viennent en écho, comme par un effet de résonance d’une ligne principale : c’est fort bien conduit, sans pathos, dans une certaine légèreté. Pour la Courante, Nicolas Deletaille propose une approche plus sèche, rapide, quoique avec des élans similaires où les appuis sont nettement en début de phrase. La Sarabande est superbe, avec en revanche une tenue ferme sur chaque note. Dans les Gavottes, il y a de la danse et tout le corps y participe ; les inflexions (avec des écarts de notes larges) sont nettes mais aussi phrasées, tout est conduit sans hésitation. Seule la Gigue, toujours aussi bien rythmée, laisse apparaître des petits problèmes d’accord que le musicien règle vite en coulisse avant de jouer Platteau.

Azur, pour violoncelle seul, est une courte pièce où l’instrumentiste joue dans une atmosphère de tension assez démonstrative. Les glissendi et pizzicati sont multiples, les notes doivent fuser et susciter des effets sonores particuliers, ce qui permet de mesurer l’aptitude de l’interprète à se frotter à un registre différent. Tout au plus peut-on se demander si Nicolas Deletaille y met bien la fièvre voulue, malgré un jeu impeccable.

Le piano, qui entre ensuite en scène, est un demi-queue Steinway. Le Français Jean-Michel Dayez, âgé de vingt-cinq ans, a sans conteste un jeu mesuré et léger qui compte beaucoup de raffinement et de nuances. Il parcourt la Sonate en ré majeur n°2 Op.102 n°5 de Beethoven en compagnie du violoncelle par un jeu emprunt de petites touches pointues et nerveuses (servies par des mouvements de corps qui lui donnent l’allure d’un pantin désarticulé), plutôt qu’avec profondeur, ce qui rend l’interprétation immédiatement chantante, presque gracile. Il est patent que le violoncelle suit cette approche avec une belle complicité par un jeu également chantant et enlevé, sans que l’un couvre l’autre ou qu’il y ait surenchère. L’ensemble s’en trouve attendri et rythmée, mais peut-être trop sage.

Le clou du concert est sans conteste la Sonate en ré mineur de Claude Debussy où l’approche balancée et chantante des deux musiciens fait merveille. Le piano attaque le fameux Prologue de manière très prenante, avec une splendide brillance. Tout le premier mouvement est joué avec beaucoup de lyrisme. La Sérénade se livre ensuite dans une tension sans apesanteur, avec quelque chose de têtu qui retient l’attention. Jusqu’au Finale, le duo tient en haleine, aussi bien à l’entendre qu’à le voir, le pianiste débordant littéralement de son clavier par déhanchements successifs et le violoncelliste présentant son instrument comme en offrande. Stupéfiante symbiose de l’auditif et du visuel !

CA