Chroniques

par laurent bergnach

musiciens de l’Orchestre Philharmonique de Radio-France
Vaughan Williams et Walton

Auditorium du Musée d’Orsay, Paris
- 15 décembre 2011
William Walton par les Musiciens de l’Orchestre Philharmonique de Radio-France
© bassano

« Un folk-song est comme un arbre », écrit le compositeur Ralph Vaughan Williams (1872-1958) avant la Première Guerre mondiale, et dans l’héritage du romantisme allemand, « dont la tige date de temps immémoriaux, mais qui féconde continuellement de nouvelles pousses. […] Permettez-moi de vous donner un exemple – Die Meistersinger de Richard Wagner. Voici une œuvre qui utilise au maximum toutes les ressources de la couleur de l’harmonie, de la forme, de l’expression, ce qui mène à réaliser l’art le plus complet, sans une touche d’archaïsme, et vivant du début à la fin avec l’esprit du folk-song(Volkslieder)allemand ».

En accord avec une volonté d’« exprimer par son art la vie entière de la communauté » plutôt que sa vie intérieure, sans références serviles, voire stériles à Brahms ou Debussy, les Six Studies on English Folksong (1926) du musicien anglais s’inspirent de mélodies populaires – Lovely on the Water (The Springtime of the Year), Spurn Point, Van Dieman’s Land, She borrowed some of her Mother’s gold, The Lady and the Dragon et As I walked over London Bridge. Ce sont ces pièces qui, respectant la brièveté des originaux pour en conserver l’essence, ouvrent le programme, ce soir, et bénéficient de l’exécution délicate d’Éric Levionnois, premier violoncelle à l’Orchestre Philharmonique de Radio-France, accompagné par la pianiste Catherine Cournot, soliste dans la même formation. Plusieurs climats se succèdent : tendre mélancolie, lyrisme enjoué, sombre intériorité, danse bucolique, etc.

Divertissement pour récitants, flûte, clarinette, saxophone, trompette, violoncelle et percussions, Façade laisse place à William Walton (1902-1983) [photo], Anglais de la génération suivante qui s’inspire de l’avant-garde d’Edith Sitwell plutôt que de mélodies campagnardes. Le 12 juin 1923, déclenchant un scandale lors de la création, la poétesse déclame à travers un mégaphone avant que Walton en arrive à l’équilibre d’un récitant masculin, d’un autre féminin. Ancien élève de la Royale Academy of Dramatic Art, Gabriel Woolf et Charlotte Rampling, la comédienne bien connue, se partagent dix-neuf des vingt-et-une parties de l’œuvre – Tarentella et Something lies beyond the scene étant purement instrumentaux –, au service de textes qui favorisent le rythme et la sonorité (« That hobnailed goblin, the hob-tailed hob / Said, ‘It is time I began to rob’ », etc.) dans la tradition des comptines enfantines. Lui se voit attribué les plus véhéments, tandis qu’elle fait merveille à détacher, avec la douce gravité qui la caractérise, chaque mot des plus calmes.

Autour d’eux, les couvrant parfois (habitudes de symphonistes ?), les six musiciens suivent les indications du jeune Adrien Perruchon, d’ordinaire leur collègue timbalier au sein de l’orchestre convoqué ici, et dessinent, là encore, des climats bien caractérisés : une flûte (ornithologique) annonce une promenade collective (En famille), trompette et castagnette ébauchent une ambiance orientale (Long Steel Grass), tandis que l’on parodie une chanson de port (Mariner Man), un ensemble mariachi (Tango-Pasodoblé), une berceuse inquiétante (Lullaby for Jumbo) ou une ambiance de cabaret (Popular Song). Des titres comme Country Dance, Polka ou Scotch Rhapsody disent assez l’énergie musicale convoquée, sur les traces de Parade (1917) ou du Boeuf sur le toit (1919). Malheureusement, l’œuvre séduit moins que ces aînées, sans doute parce que les nombreux clins d’œil forment un collage trop disparate.

LB