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Mozart, artificier farceur !
Avec un programme qui lui est intégralement consacré, ce concert rend un bel hommage à Wolfgang Amadeus Mozart pour fêter les deux cent cinquante ans de sa naissance. Le Zermatt Festival Chamber Orchestra, constitué de solistes de la Philharmonie de Berlin et d'étudiants de l'Académie de musique de chambre, voyage à travers cinq opus du Salzbourgeois. À l'entracte, un feu d'artifice est tiré au village, un feu d'artifice joueur et facétieux, selon la réputation de Mozart lui-même, puisqu'après un bouquet qui se fait passer pour final, le public doit revenir sur le parvis de l'église pour assister à une seconde séquence… et ainsi de suite jusqu'aux quatre fausses fins qui provoquent l'hilarité générale.
La soirée commence par la pièce la plus tardive du programme, soit le Concerto pour clarinette et orchestre en la majeur K622 que Mozart écrivit quelques mois avant sa mort, en 1791. L'acoustique enveloppante des lieux favorise une attaque sans détente des premiers accords d'orchestre, dans un moelleux indicible. À la clarinette, Jörg Widmann travaille exquisément la couleur, parvenant à faire passer en second plan la caractéristique volubilité de l'instrument, volubilité dont Mozart abusa facilement. La dynamique affirme de vrais choix, une pensée musicale active qui réalise un cantabile discrètement inquiet dans l'Allegro. Dans l'Adagio central frappe le courage d'un énoncé simple – sans doute ce qu'il y a de plus compliqué à faire. L'égalité de la sonorité sur tout le motif introductif étonne. Puis, sans heurts, le soliste prend le pouvoir. La proposition résulte d'une vraie profondeur de vue – outre que ce mouvement reste l'une des plus belles choses que Mozart ait écrites. Enfin, dans la troisième partie revient au Mozart joueur, les artistes s'évertuant à souligner les oppositions de caractères, tout en donnant à la narration un relief personnel.
Le soprano Annette Dasch chante ensuite l'Air de concert Ah, t'invola K272, composé, comme les prochains opus de ce soir, en 1777 par un Mozart de vingt-et-un printemps. Dès le récitatif, on apprécie l'expressivité enflammée de l’artiste, soutenue par des cordes d'une tonicité remarquable. Dans l'aria, une riche couleur s'affirme, mais la diction italienne souffre parfois. Si la véhémence du récitatif permet de mordre efficacement le texte, l'exigence du legato laisse la prononciation dans l'ombre. Dans la cavatine, le grave se ternit, laissant poindre quelques soucis de stabilité. En revanche, Annette Dasch convainc sans réserve dans Per pietà, extrait de Cosí fan tutte. Investie dramatiquement, se gardant des minauderies trop souvent de mise dans la conception du personnage, l'artiste rend justice au véritable drame que vit Fiordiligi. Dans l'air, elle prend assez librement son temps, réveillant avantageusement le grave de la voix. Sur les injonctions maintes fois réitérées, elle développe une intention sensiblement différente à chaque fois, ce qui démontre une inventivité et un vrai sens du théâtre. Elle livre également des nuances d'une grande finesse à cette Fiordiligi loin des anémies coutumières.
Moins concluant se révèle la lecture du Concerto pour flûte et orchestre en ré majeur K314. Les cadences livrées par Andreas Blau demeurent propres « comme un sou neuf », sans plus. Par contre, toutes les attaques de cors souffrent considérablement. Enfin, la Symphonie en si majeur n°33 K319 bénéficie d’une interprétation enthousiaste qui emporte immédiatement son auditoire dans l'action. Elle est jouée avec infiniment d'esprit, de la verve, des contrastes, en un mot : du « chien ». Cette fois, les cuivres sont au rendez-vous, de même que le basson qui honore le beau trait de l'Allegro assai. Le Menuet montre une nouvelle fiabilité des cors, avant que le quatrième mouvement opère en une gentille effervescence, cette sorte d'hystérie dans laquelle Rossini irait plus tard puiser sa manière. Après quelques échanges de bois dans une nuance plus tendre, la symphonie s'achève avec brio.
BB