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Chroniques
Mirandolina
opéra de Bohuslav Martinů
Décidément, cette fin de saison s’affirme tchèque, à l’Opéra de Paris, résolument tchèque ! Alors que La petite renarde rusée est reprise à Bastille [lire notre chronique de la veille], l’Atelier Lyrique maison révèle au public le beau travail fourni pour la création française de Mirandolina, opéra comique en trois actes conçu par Bohuslav Martinů à partir de La Locandiera de Carlo Goldoni, et qui gagnait les planches pour la première fois le 17 mai 1959, au Národní divadlo de Prague.
Prestation ô combien réussie de la part d’une efficace équipe de jeunes voix enthousiastes, toutes avantageusement timbrées, s’investissant pour le plaisir de tous dans une comédie bien défendue.
Si l’Ordonnance du Chevalier n’offre guère que quelques notes à Manuel Nuñez Camelino, le ténor léger ne se prive pas d’affirmer une présence – voire une omniprésence – drôlissime qui, de volte-face en virevoltes, s’avère bientôt irrésistible. Dès leur apparition, les fausses Excellences, deux comédiennes venues faires les belles dans une auberge dont le goût supposé est de ne pas accueillir de roturières, dynamisent sainement l’humeur par ailleurs fragile de la soirée : Carol Garcia charme d’un médium clair tandis qu’Aude Extremo badine magnifiquement d’un grave à la sensualité adroitement soulignée.
Trois prétendants, pour cette belle Mirandolina qui les mène gentiment par le bout du nez : Damien Pass, Marquis confortablement sonore au chant toujours soigneusement phrasé, Vincent Delhoume en Comte dispendieux, ténor parfaitement projeté, plus italien que nature, pourrait-on dire, enfin Michał Partyka, Chevalier à la vocalité ténébreuse comme la fausse opinion qu’il se fait des femmes – plus précisément qu’il se fait de lui-même dans une superbe bientôt férocement dindonnée !
Possédant indéniablement la voix du rôle-titre, une maîtrise irréprochable de ses moyens ainsi qu’une évidente culture de la nuance, Ilona Krzywicka livre une aubergiste séduisante à laquelle il semblera manquer, cependant, ce chien nécessaire à faire danser quatre amoureux. Car ici, comme pour les célèbres mousquetaires, trois veut dire quatre : Fabrizio, le valet de la dame - au fer bien chaud, comme l’affirme une franche métaphore de repasseuse -, se dévouera tant et si bien qu’au final, le voilà patron ! Stanislas de Barbeyrac, d’abord un rien prudent, donnera peu à peu au rôle toute sa dimension.
Nous ne saurions taire deux ombres au tableau. Tout d’abord, la lecture de Marius Stieghorst qui se contente de brosser à grands traits une partition peut-être plus subtile qu’il n’y paraît ce soir, à la tête de l’Orchestre-Atelier OstinatO qui, il faut bien l’avouer, ne lui rend guère hommage. Enfin – et c’est plus grave -, l’œuvre elle-même : ceux qui se souviennent de Juliette ou la clé des songes, donné à Garnier ces dernières années, ou encore d’Alexandre Bis et de Larmes de couteau présentés à l’Athénée en 2002, resteront sur leur faim.
Cette Mirandolina s’englue dans un rythme lourd qui ne sait que faire de l’italianità du Vénitien, bien que le livret en ait respecté l’idiome. La maladresse de détours mozartiens, d’un néo-classicisme qui flirte avec les rassurants refugesdu grand Igor dans ce qu’il eut de plus petit, ne parvient pas à donner vie à la pièce.
Fort heureusement, Stephen Taylor signe une mise en scène qui, pour n’avoir pas le pouvoir de guérir l’ouvrage de ses maux, sait au moins l’en soigner. Dans une lumière savamment choisie de Christian Pinaud, des protagonistes minutieusement construits, non sans une certaine fantaisie, d’ailleurs, et dont les costumes de Nathalie Prats achèvent la cohérence, évolue dans la fort esthétique scénographie de Laurent Peduzzi.
BB