Chroniques

par monique parmentier

messe, motets et litanies de Monteverdi
La Capella Alchemica et Arsys Bourgogne

Rencontres musicales de Vézelay / Collégiale Saint-Lazare, Avallon
- 19 août 2010
une ruelle à Vézelay, photographiée par Bertrand Bolognesi
© bertrand bolognesi | ruelle à vézelay, 2009

En compagnie d'Arsys Bourgogne, les Rencontres musicales de Vézelay entament une nouvelle décennie de projets. Pour mieux affirmer sa vocation de partage et de dialogue et permettre la croisée des différences par la musique, la construction qui s'achève de la Cité de la voix, au cœur de la ville millénaire, vient encore souligner cet engagement. La programmation 2010 illustre d'éclatante manière ce long chemin que mènent les musiciens et le public, par le biais de la musique sacrée chorale, vers la quête du même apaisement, cette consolation qui aide à affronter la peur, la souffrance et la mort.

La Capella Alchemica inaugure cet après-midi la onzième édition, en compagnie l'ensemble choral en résidence,, par un programme de Messe, motets et Litanies à la Vierge de Monteverdi. Luca Guglielmi, le chef invité, souhaitait ainsi célébrer indirectement le quatre-centième anniversaire de la première édition des Vespro della Beata Vergine du Crémonais. Publiées plus tardivement – entre 1620 et 1650 (édition posthume) –, les œuvres sont ici proposées avec des extraits de la célèbre Selva morale et spirituale de 1640 et une canzone de Frescobaldi qui laisse mieux apprécier les trois instrumentistes.

La Capella Alchimica et Arsys Bourgogne ne retrouve qu’en partie les équilibres subtils d’une « parole musicale » si limpide, grave et austère. Par son extrême épure, cette parole fera naître en chacun de nous un sentiment de légèreté qui emporte et donne à l’esprit la sensation de flotter. Fluide et solaire, la direction de Luca Guglielmi, comme sa décision de mélanger les pupitres au sein du chœur, donne à entendre (en particulier dans les Litanies) la suave douceur baroque. On ne peut d'ailleurs que louer l’arrivée d'une nouvelle génération italienne de jeunes musiciens qui se passionnent pour ce répertoire. La lumineuse clarté des ténors, le sombre velours des basses et l'onctueuse douceur des altos évoquent le faste quotidien de la Capella di San Marco de Venise. On regrette toutefois la difficulté de certains pupitres à intérioriser cette musique.

C'est la basse continue qui a le plus de difficultés à faire ressentir la sensuelle vibration qui devrait porter les voix vers une ensorcelante harmonie. Limitée à trois instruments afin de respecter l'effectif le plus courant de ladite Capella, elle se trouve étouffée par la prégnance de l'orgue positif. Mis au même niveau que le violone et le théorbe et devant le chœur, celui-ci efface le dynamisme des tempi et des nuances vocales.

Aux pieds de la colline éternelle, la musique de Monteverdi s'avère idéale pour débuter le long chemin vers les portes de la lumière. Impossible, ici, de ne pas dire quelques mots sur le remarquable concert du soir en la Basilique de Vézelay donné a capella par Accentus, sous la direction inspirée de Laurence Equilbey. Ils ont donné une vision fougueuse de la grande tradition sacrée d'est en ouest, de Bruckner à Rachmaninov en passant par Brahms, musique catholique d'une grande piété, puis orthodoxe profondément mélancolique, enfin protestante angoissée par la vie. D'une parfaite homogénéité, mais pouvant détacher des solistes virtuoses (comme dans l Rachmaninov), Accentus signe une interprétation au mysticisme halluciné.

MP