Chroniques

par bertrand bolognesi

Messe BWV 235 et Cantates BWV 102 et BWV 104
Bach Collegium Japan, Masaaki Suzuki

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
- 13 novembre 2008
Masaaki Suzuki et son Bach Collegium Japan au Théâtre des Champs-Élysées
© marco borggreve

Il y a treize ans, le public occidental rencontrait un premier enregistrement de cantates de Bach sous la battue d’un chef japonais, Masaaki Suzuki, à la tête d’un ensemble choral et orchestral s’exprimant sur instruments anciens, fondé par lui-même cinq ans plus tôt, le Bach Collegium Japan. Depuis, leur intégrale du vaste corpus affiche quelques quarante volumes, régulièrement salués par la critique internationale.

Herr, deine Augen sehen nach dem Glauben (Seigneur, tes yeux recherchent la foi), cantate BWV 102 créée à Leipzig le 25 août 1726 pour le dixième dimanche de la Trinité, est ouvert par un chœur que Bach réutiliserait une dizaine d’années plus tard dans le Kyrie de sa Messe BWV 235 qui conclura cette soirée. Dès l’introduction instrumentale se remarquent la saine clarté d’articulation du Bach Collegium Japan, la tension de son énoncé et la vigueur de sa précision. Le chœur s’affirme relativement sec, et c’est tant mieux ! Passant vite sur une basse à la diction laborieuse et à l’intonation hasardeuse, saluons l’alto Robin Blaze qui livre un Weh der Seele aérien, délicatement souligné par les mélismes du hautbois, somptueusement réalisés par Masamitsu San’Nomiya. D’abord un rien nasalisé dans l’air Erschrecke doch, le ténor Jan Kobow libère peu à peu une voix souple. Le choral final (Heut lebst du) gagne nettement en équilibre et en rondeur de sonorité.

Créée le 25 novembre 1731, la cantate BWV 140 Wachet auf, ruft uns die Stimme (Réveillez-vous, nous appelle la voix) offre un introït quisemble s’autogénérer comme par miracle, laissant survenir l’amorce vocale le plus sereinement qui soit. Jan Kobow s’y montre redoutablement exact, ne dérogeant pas d’un iota de l’écriture. On ne pourra pas en dire autant des deux duetti, malmenés par l’impact inégal du soprano et les approximations de la basse. Utilisé également pour l’orgue, le choral d’orchestre Zion hört die Wächter singen (que Busoni transcrivit pour piano) se déploie en une tendresse exemplaire. Enfin, Gloria sei dir gesungen clôt cordialement cette première partie de concert.

Dans la Messe brève en sol mineur BWV 235, l’articulation de Suzuki se veut plus souple encore, déclinant ouvertement l’art de la nuance en un geste musical d’abord gracieux. Mais si le Kyrie semble en apesanteur, le Gloria s’avère robuste et tonique. Discrètement orné, le chant facile de Robin Blaze respire idéalement, la vocalise du Domine filio s’y trouvant menée avec régularité. D’un caractère presque héroïque, avec sa figure rythmique ciselée par les cordes graves, le Qui tollis laisse virevolter la joyeuse anarchie du hautbois sur laquelle Jan Kobow vient littéralement « mordre » le texte latin. Cum Sancto spirito, chœur final, replace l’écoute dans le recueillement.

L’on retiendra de cette soirée le raffinement de l’approche de Suzuki à la tête d’une formation en pleine forme, malgré une distribution vocale qui n’est pas systématiquement bien choisie.

BB