Chroniques

par bertrand bolognesi

Marc Coppey et Mario Caroli
œuvres de Bach, Carter, Holliger et Kurtág

Musica / Auditorium France 3 Alsace, Strasbourg
- 27 septembre 2005
le flûtiste italien Mario Caroli au festival Musica de Strasbourg (2005)
© christian creutz

Depuis quelques années, le violoncelliste Marc Coppey et le flûtiste Mario Caroli enseignent au CNR de Strasbourg ; pourtant, les barques de leur carrière jamais encore n'avaient croisé les mêmes eaux. La rencontre s’effectue cet après-midi pour la première fois.

Le programme alterne des pièces solos avant de conclure par Enchanted Preludes d'Elliott Carter qui rassemble les deux artistes. C’est le compositeur américain qui ouvre le récital avec Figment 1 et Figment 2 écrits en 1995 et 2001, dont le second cite The unanswered question de Charles Ives. Marc Coppey s'engage directement dans le lyrisme du premier, puis opère des jeux de couleur plus subtils sur l'autre. Suit Scrivo il vento, inspiré de Pétrarque en 1991, où l'on retrouve la présence et la concentration saisissantes de Mario Caroli, laissant imaginer un impératif à jouer cette pièce à ce moment précis qui d'autorité l’impose, avec plus que jamais le sentiment que la partition s’inventerait sous nos yeux. La maîtrise des différentes natures d'attaque est stupéfiante.

Nous entendons ensuite le violoncelliste dans la Chaconne transcrite de la Partita pour violon en ré mineur BWV 1004 n°2 de Johann Sebastian Bach. Le départ s'avère nerveux, à la limite de l'instable, puis s'apaise au fil de l'exécution. Force est de constater certains soucis non négligeables, comme des passages véloces systématiquement savonnés et une justesse parfois aléatoire. C'est dommage, car le travail de musicalité n’est jamais en défaut. L'interprétation de la Sarabande de la Suite pour violoncelle en ut mineur BWV 1011 n°5se révèle plus habitée, affirmant un chant somptueusement porté. La Chaconne d’Heinz Holliger accuse des reposés d'archets maladroits ; cela dit, dans les traits difficiles, spectaculaires, le jeu prend un certain panache. Enfin, Pilinszky János : Gérard de Nerval Op.5b de György Kurtág trouve un interprète inspiré.

Les innombrables jeux sur l'incongruité des émissions sonores de (T)air(e) d’Holliger offrent à la virtuosité de Mario Caroli l'occasion de transcender toute indication qu'il théâtralise sensiblement, jusqu'à disparaître le plus brillamment qui se puisse imaginer. La performance est remarquable, bien que l'œuvre semble ne pas savoir quoi faire de toutes ces expériences. Pour finir, on goûte la grande qualité d'écoute de deux personnalités d'artistes fort différentes qui trouvent idéalement à se compléter dans Enchanted Preludes.

BB