Chroniques

par laurent bergnach

Maël Bailly | Pour un cirque imaginaire
Luis Quintana | Cantigas do desassossego

William Blank dirige l’Orchestre des Lauréats du Conservatoire
Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse, Paris
- 4 octobre 2019
William Blank joue "Pour un cirque imaginaire" (2019), pièce de Maël Bailly
© maël bailly

C’est aujourd’hui le troisième et dernier acte du Prix de composition, dont les deux précédents firent l’objet de comptes rendus dans nos pages [lire nos chroniques des 20 et 25 septembre 2019]. Nous retrouvons l’Orchestre des Lauréats du Conservatoire, créé par Claire Levacher en 2003, cette fois dirigé par le compositeur et chef d’orchestre William Blank – connu pour ses collaborations avec l’Ensemble à Percussion de Genève et l’Ensemble Contrechamps, ainsi que pour la fondation de l’Ensemble Contemporain de la Haute École de Musique de Lausanne, voilà quinze ans.

Venu de la musique improvisée, l’altiste Maël Bailly (né en 1988) s’initie à l’écriture musicale avec des maîtres tels Alessandro Solbiati, Alain Mabit et Gérard Pesson. Ses recherches s’accommodent de racines populaires et d’engagement social, si l’on en juge par Symphonie de la Cayolle – du nom du quartier marseillais né d’anciens bidonvilles, réputé pour la délinquance et la station d’épuration qu’il abrite actuellement – et Pour un cirque imaginaire, proposé en ouverture de soirée. La pièce s’articule en cinq parties (Prologue, Équilibre, Jonglage, Fil, Final), célébrant chacune une spécialité circassienne. Très caractérisées, elles alternent les moments énergiques et introspectifs. Pour les premiers, le compositeur use de la percussion en tant que telle, qui ouvre ce quart d’heure musical façon bateleur et le clôt par des lancers de cymbales, mais aussi d’autres moyens : choc de cailloux, suraigu pivert du piano, pizz’ des violoncelles, etc. Pour les seconds, les instruments livrent de magnifiques ambiances nocturnes et mystérieuses qui, en premier lieu, rappellent Crumb, et aussi certains spectraux : trompette avec sourdine, piano joués sur le cordier, accordéon, bol tibétain, verres, etc.

Du cirque, apprécié pour « ses points de suspension, de basculement, de chute, sa nature muette, ses étranges liens entre une virtuosité euphorique et une sorte de poésie de la maladresse » qui constituent des éléments communs avec la musique auquel il aspire, Maël Bailly aime évidemment les acteurs. Il a invité Quentin Folcher, spécialiste en équilibre sur les mains […et en lancer de chaussette ? ndr], à venir habiter sa pièce. Aux figures de son propre univers, l’acrobate ajoute quelques imitations des musiciens en scène – en particulier du chef, agrippé par la manche et entraîné dehors en fin d’exécution.

Du même âge que son jeune confrère, Luis Quintana aborde l’étude du piano et de la composition dans son île natale, Porto Rico. Arrivé à Paris avec de nombreuses récompenses, il se perfectionne auprès de Jean-Luc Hervé, Yan Maresz et Pesson. Pour Cantigas do desassossego, il s’inspire d’un ouvrage presque éponyme de Fernando Pessoa, Livro do desassossego, (Livre de l’intranquillité, publié à titre posthume en 1982), présenté par le Caraïbéen comme un recueil de pensées fugaces et d’une intimité désespérée, où l’atmosphère « est toujours la même, celle d’un personnage intranquille avec soi-même qui ne semble trouver de confort avec rien d’autre que l’acte d’écrire ; sans pour autant être content du résultat ». Cordes lentes, vents tristes et percussions scintillantes se côtoient mais se chevauchent à peine, dans un climat par instants contemplatif. S’en élève la voix souvent murmurée et plaintive d’Amélie Raison, soprano qui partage son temps entre musique baroque et contemporaine.

LB