Chroniques

par bertrand bolognesi

Méditations pour le Carême – Leçons de Ténèbres
Marc-Antoine Charpentier par William Christie et Les Arts Florissants

Cité de la musique, Paris
- 31 mars 2023
William Christie et ses Arts Florissants jouent Marc-Antoine Charpentier
© les arts florissants | oscar ortega

Depuis le 22 février, c’est temps de Carême en calendrier romain, en amont de la liesse sacrificielle du dimanche 9 avril, tandis que l’autre calendrier, le vrai, célèbrera dès le mercredi 5 l’au-dessus du fléau, Pessa’h, lors de l’Éxode. Sur tel fond d’actualité religieuse, Les Arts Florissants et William Christie, en résidence à la Cité de la musique depuis le premier jour – non sans émotion, l’on se souvient du concert inaugural du 13 janvier 1995 qui, sur cette même scène, réunissait Pierre Boulez à la tête de l’Ensemble Intercontemporain dans Renard de Stravinsky et de l’Orchestre du Conservatoire pour l’Adagio de la Dixième de Mahler, tandis que William Christie donnaitLes Sauvages de Rameau (Les Indes Galantes) avec le fameux ensemble baroque qu’il créait en France en 1979 –, honorent la musique sacrée de Marc-Antoine Charpentier (1643-1704).

En formation réduite – viole, contrebasse, théorbe et orgue constituent la basse continue – devant un arc de cercle de neuf voix masculines, Les Arts Florissants donnent, pour commencer, les Méditations pour Carême H.380-89 pour haute-contre, taille et basse, soit dix brefs chapitres musicalement déclamés dont, de l’articulation dolente, l’on admire le raffinement, tant vocalement qu’instrumentalement. Toutefois, une inégalité certaine se laisse entendre dans le choix solistique, souci confirmé par l’exécution de trois pages extraites des innombrables Leçons de Ténèbres conçues par le compositeur francilien entre 1670 et 1692. Pour ces Troisième Leçon du jeudi Saint H.124, Second Répons après la Seconde Leçon du second nocturne du jeudi Saint H.129 et Troisième Leçon du vendredi Saint H.137, deux violons et deux flûtes viennent étoffer l’ensemble.

Conjuguant à l’inspiration un lyrisme nettement moins austère que le premier opus de la soirée, ces trois moments transmettent néanmoins la lamentation à l’entour de la Crucifixion, avec un soin auquel veille le grand métier du chef étasunien. Outre le timbre volontaire de la basse de Cyril Costanzo, on apprécie l’émission précise du ténor Martin Candela (taille), à l’inverse du ténor Bastien Rimondi (haute-contre), pourtant à son avantage il y a quelques semaines dans un tout autre répertoire [lire notre chronique de La chute de la maison Usher] : son chant malmène régulièrement l’intonation dans un claironnement qui paraît excessif et l’expose d’autant plus. Les soli de Nicholas Scott (taille), vaillant ténor britannique qui s’investit adroitement [lire nos chroniques de Trois Motets et de L’Orfeo], et surtout ceux de l’excellent Alex Rosen, basse dont le grain vocal caresse l’oreille comme une bénédiction secrète [lire nos chroniques de Die Schöpfung, Don Giovanni et L’incoronazione di Poppea], sont de ce concert les épices de la Passion, pourrait-on dire.

BB