Chroniques

par david verdier

Ludwig van Beethoven (Till Fellner) et Richard Strauss
Orchestre de Paris sous la direction d’Herbert Blomstedt

Salle Pleyel, Paris
- 12 janvier 2012
le chef d'orchestre suédois Herbert Blomstedt dirige l'Orchestre de Paris
© dr

On se réjouit de la présence d'Herbert Blomstedt à la tête de l'Orchestre de Paris. La discrétion du chef suédois (quatre-vingt cinq ans !) sous nos latitudes occulte une carrière menée avec brio auprès de formations aussi prestigieuses que la Staatskapelle de Dresde, le Gewandhaus de Leipzig, les orchestres de Bamberg ou de San Francisco. Pour le grand public, son nom est associé, au concert et au disque, à celui d'Anton Bruckner dont il est l'un des plus grands thuriféraires.

Le concert de cette soirée réunit, à la manière d'un Janus bifrons, le romantisme concertant et égocentrique d'un Beethoven dans sa période « héroïque » et l'humour génial d'un Richard Strauss en pleine possession de ses moyens et narguant les critiques du haut de ses trente-quatre ans.

Le Concerto pour piano en sol majeur Op.58 n°4 de Beethoven offre à l'interprète toute une série d'écueils parmi lesquels se distingue nettement la tentation du volume et de l'emphase. Formé à bonne école auprès d'Alfred Brendel, le jeune Till Fellner répond à cette difficulté par une politique de l'entre-deux, assez fade sur la durée. Les longues phrases sont traitées avec soin, sans tricherie sensuelle ni faute technique, mais avec une absence d'engagement qui occulte la tension nécessaire. Herbert Blomstedt ne s'embarrasse pas d'autant de précautions pour occuper l'espace laissé vacant par ce toucher à mi-touche. Le calibrage des cordes est puissamment libéré, sans chercher à couvrir le soliste mais à compenser un caractère qui se dérobe au moment crucial (en général à l'issue des cadences ou dans l'ouverture de l'Andante con moto).

Une vie de héros (Ein Heldenleben Op.40) est une partition attachante qui mériterait d'être plus souvent jouées sur les scènes parisiennes. Blomstedt en connaît les moindres arcanes, on ne peut le prendre en défaut sur le plan de la maîtrise et de la versatilité requise ici. Les quelques quarante minutes de musique sont dirigées sans partition, avec un plaisir palpable parmi les musiciens de trouver face à eux un « héros » aussi combatif et sûr de lui que le protagoniste cité dans la partition. Certes, la polyphonie des premiers épisodes brasse un fond d'air plus proche de Saint-Florian que de Garmisch-Partenkirchen, mais qu'importe ! L'arrogance théâtrale des interventions solistes fait merveille, le souffle lyrique est présent à chaque instant. Seuls les solos de Roland Daugareil peinent à convaincre tant ils évitent l'épanchement biographique, la douceur mais aussi les minauderies de Pauline auprès de son héros de mari. L'archet est ici trop à la corde, évoquant davantage des exercices de technique digitale qu'un enchaînement de traits espiègles et narquois. Les adversaires du héros et Le champ de bataille du héros sont traversés par des lignes de force expressionnistes qui assument leur peu de raffinement par l'effet puissant qu'elles produisent. Malgré quelques pailles assez anecdotiques, l'ensemble est tenu au cordeau, sans l'abandon sensuel qui constituerait une plus-value intéressante dans ce répertoire.

DV