Chroniques

par gilles charlassier

Los elementos | Les éléments
ópera armónica al estilo italiano d'Antonio de Literes

Teatro de la Zarzuela / Fundación Juan March, Madrid
- 11 avril 2018
Los elementos, opéra d'Antonio de Literes au Teatro de la Zarzuela de Madrid
© alfredo casasola | juan march fundation archive

Les circonstances contrarient parfois l'agenda. On devait vous entretenir de la commande que le Teatro de la Zarzuela avait passée à Tomás Marco, Policías y ladrones. En eurent raison le projet du gouvernement espagnol de réunir l'institution de la Calle Jovellanos au Teatro Real et la grève subséquente du personnel de la Zarzuela. À défaut d'assouvir la curiosité pour cette création finalement avortée, on se reportera sur une exhumation baroque, Los elementos d'Antonio de Literes, ouvrage donné en 1705 pour la duchesse de Medina de las Torres en son palais.

L'œuvre est présentée dans le cadre du cycle Théâtre musical de chambre (Teatro musical de cámara) à la Fundación Juan March, héritage de l'une des plus grandes fortunes espagnoles d'avant la guerre civile (qui s'est ensuite plus qu'accommodée de Franco) où le Teatro de la Zarzuela programme depuis 2014 des formats réduits avec un adresse pédagogique vers le jeune public – en l'espèce ici, de le familiariser avec le répertoire baroque. Une matinée scolaire permet de mesurer les qualités du spectacle réglé par Tomás Muñoz également à cette aune.

En charge de la scénographie et des lumières – avec la complicité de Fer Lázaro pour ces dernières –, l'Espagnol privilégie une décantation élégante, rehaussée par les costumes discrètement pastiches de Gabriela Salaverri qui gardent l'éclat magique des robes à panier sans la poussière de l'imitation illustrative. Si l'on n'est pas obligé de retenir le propos augural rapprochant la pièce des préoccupations écologiques actuelles, le travail caractérise avec efficacité les quatre éléments, incarnés autant par le vestiaire que par un accessoire symbolique reconnaissable et un jeu expressif qui assure les contrastes de la comédie.

Au balancement rythmique de la partition répond en imitation celles des prosopopées sur le plateau rotatif où elles évoluent. Ces dernières n'hésitent pas à mendier avec des lunettes de soleil les rires d'un auditoire parfois pressé d'applaudir pour manifester ce qui s'avère finalement n'être que l'impatience du plaisir. Quant aux mouvements chorégraphiques confiées au seul Rafael Rivero enduit d'or, ils contribuent à une conclusion irradiante qui compense, par la gradation dramatique, la relative redondance des sortilèges de la musique.

Placés sous la houlette d'Aarón Zapico, au clavecin, les six pupitres de Forma Antiqva mettent en évidence les saveurs d'une écriture synthétisant l'horizontalité formelle italienne et une couleur hispanique qui puise dans le codex des danses de la péninsule. Les qualités solistiques ne sont pas négligées, au gré des tresses de variations chatoyant l'oreille.

Confiée à de jeunes gosiers, la partie vocale séduit d'abord par sa fraîcheur.
L'impétuosité mate et timbrée du Fuego de Marifé Nogales, seul mezzo au milieu d'un quintette de soprani, exerce parfois un ascendant sur ses partenaires, de la Tierra d'Olalla Alemán à l'Agua campée par Aurora Peña, en passant par l'Aire confié à Eugenia Boix. La délicatesse des interventions de Soledad Cardoso en Aurora a pour pendant l'austère Tiempo assumé par Lucía Martín-Cartón. En soixante-dix minutes, Los elementos constitue une initiation sans doute aussi maniable qu'accessible.

GC