Chroniques

par pierre-jean tribot

Lorin Maazel et le New York Philharmonic
Dvořák, Messiaen et Strauss

Palais des Beaux-arts, Bruxelles
- 10 novembre 2005

Affluence des grands soirs au Palais des Beaux-arts pour cette visite du New York Philharmonic, placé sous la direction de Lorin Maazel. Fondé en 1842, le doyen des orchestres étatsuniens peut s’enorgueillir d’une tradition d’excellence, en dépit de quelques passages à vide sous le règne de Zubin Mehta. Il compte dans ses rangs quelques-uns des instrumentistes les plus réputés, comme le clarinettiste Stanley Drucker, le premier violon Glenn Dicterow, le tromboniste Joseph Alessi ou le corniste Philip Myers. Cependant, s’il présente une homogénéité imposante et des cordes soyeuses, les bois (à l’exception de la flûte solo) sonnent de manière impersonnelle et les cors poussent trop le son. La philharmonie new-yorkaise est un excellent orchestre, mais actuellement dépassé par le Cleveland Orchestra et le Chicago Symphony Orchestra.

Les méditatives et virtuoses Offrandes oubliées d’Olivier Messiaen sont un bon moyen d’ouvrir un programme de tournée. Cette partition en trois parties, écrite au début des années trente, permet aux différents pupitres, mais surtout aux cordes, de mettre en avant leur technique. Grand, mais inégal, interprète des poèmes symphonique de Richard Strauss, Lorin Maazel lance ensuite ses musiciens dans Tod und Verklärung. Cette musique de chef montre encore le haut degré de cohésion atteint par la formation nord-américaine, mais l’interprétation est entachée par quelques soli plus que moyens, comme celui du violon au vibrato bien trop prononcé. Tout en faisant preuve d’une gestique incroyable de maîtrise, Maazel – qui dirige de mémoire, comme à son habitude –joue sans arriver à imposer une quelconque émotion dans cette musique souvent démonstrative et bruyante.

Créateur, le 15 décembre 1893, de la Symphonie du Nouveau Monde d’Antonín Dvořák, la phalange des rives de l’Hudson aime toujours programmer cette partition lors de ses nombreuses tournées. Après un premier mouvement conduit « à la hussarde » sous l’impulsion bourrative des cornistes et du timbalier, l’orchestre prend enfin la mesure de l’acoustique du lieu et livre une interprétation aux couleurs raffinées. Mais Lorin Maazel se complait dans un yoyo rythmique qui gâche le second mouvement. Pris dans des tempi échevelés, le Scherzo et l’Allegro sont mieux venus. Dans une courte allocution, le chef remercie le public et lui apprend qu’il y a exactement cinquante ans, le jeune musicien qu’il était faisait ses débuts à la tête de l’Orchestre National de Belgique. Il récompense son auditoire par une interprétation massive mais roborative de la première des Danses slaves Op.72 de Dvořák.

PJT