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Chroniques
London Philharmonic Orchestra
Gustav Mahler | Symphonie en ut mineur n°2
À la tête du London Philharmonic Orchestra, Andrés Orozco-Estrada remplace Jaap van Zweden initialement prévu. Encore peu connu en Europe, ce chef de trente-sept ans deviendra « principal guest conductor » de la formation anglaise dès 2015, en plus de sa position de « music director » à l’Houston Symphony Orchestra et de chef principal du Tonkünstler-Orchesters Niederösterreich de Vienne.
Composée six années durant (de 1888 à 1894), la Symphonie en ut mineur n°2 débute dans la douleur d’une Totenfeier restée longtemps indépendante, avant que ses activités artistiques de directeur musical à Budapest puis à Hambourg laissent à Mahler le temps de lui ajouter quatre autres mouvements. L’œuvre doit son appellation de « Résurrection » à Hans van Bülow. En 1891, celui-ci se bouchera les oreilles lorsque Mahler lui jouera le premier mouvement au piano, sans pour autant le désespérer de continuer dans cette voie. Trois années plus tard, en 1894, il manque au créateur un déclic pour achever le Finale ; il se produira lors des obsèques de van Bülow, en entendant pour la première fois Auferstehn (Ressusciter), le texte de Klopstock, chanté par le chœur funèbre, qu’il réutilisera pour son propre chœur. Cette Deuxième mettra ensuite longtemps à s’imposer, avant de faire partie du répertoire régulièrement joué de par le monde aujourd’hui, notamment parce qu’elle déploie un large effectif orchestral et une dynamique fort appréciée des auditeurs contemporains.
Dès les trilles initiaux des violons, la direction d’Orozco-Estrada démontre une personnalité intrinsèque et une voie moderne. Les attaques n’ont aucune violence et mêlent une approche à la fois analytique et organique, sorte d’alliage entre Esa-Pekka Salonen et Gustavo Dudamel. L’on n’y cherchera donc ni profonde sensibilité ni pathos, mais plutôt une certaine douceur, dans les mouvements rapides comme dans les mouvements lents, et une véritable particularité dans la clarté du son proposé, sans toutefois toujours convaincre. Le chef aborde cette musique de la même manière qu’il le fait de Dvořák ou Rachmaninov : d’abord en rendant distinct chaque pupitre, même dans le traitement des grandes masses instrumentales, avec des percussions présentes et claires à la fois – sa marque de fabrique. Paradoxalement, les mouvements lents convainquent plus que les rapides, cette lecture séduisant plutôt dans la délicatesse que dans les traits rapides où le manque de tension se fait sentir.
Habitué à jouer le compositeur autrichien, le London Philharmonic Orchestra réalisait, en plus d’une superbe intégrale avec Klaus Tennstedt, l’un des plus beaux enregistrements live de la Symphonie n°2 avec le même chef (LPO, 1989), et plus récemment une bonne version avec Vladimir Jurowski (LPO, 2009). Pourtant, les cuivres ne sont pas exempts d’attaques et de tenues aléatoires, tout comme certains bois, fébriles au troisième mouvement. En revanche, les cordes sont excellentes (les premiers violons, en particulier), alors que le seul reproche à faire aux contrebasses sera un manque de gravité, bien que cela s’accorde à la proposition du chef. Spatialisés à gauche et à droite derrière la scène, les musiciens de coulisse magnifient leurs appels et leurs réponses au tutti.
Le mezzo-soprano Alice Coote possède une technique particulière qui conduit une ligne de chant presque sans variations de souffle. Extrait du corpus Des Knaben Wunderhorn, Urlicht est très maîtrisé, superbement accompagné par le premier violon et la flûte. Le soprano Elizabeth Watts offre un magnifique timbre et une superbe puissance, pendant les quelques minutes que dure sa partie ; jamais elle ne se noie dans le chœur au-dessus duquel elle projette des aigus d’une belle volupté.
Enfin, le London Philharmonic Choir séduit par sa beauté et sa maîtrise, mais aussi par l’émotion. Lorsqu’il se lève pour sa dernière intervention, et qu’à l’orchestre s’achèvent les dernières notes, on comprend facilement les applaudissements très nourris d’un public conquis par tous les interprètes, sans pourtant que cette approche, ou plutôt l’absence globale d’approche intellectuelle, ait complètement convaincus.
VG