Chroniques

par vincent guillemin

Liederabend Torsten Kerl
œuvres de Korngold, Wagner et Zemlinsky

Opéra national de Paris / Palais Garnier
- 5 juin 2013
Torsten Kerl chante Korngold, Wagner et Zemlinsky
© bettina stöß

Quel Siegfried aurait, entre deux représentations de Götterdämmerung et avant deux cycles complets du Ring, osé programmer un récital composé des Wesendonck Lieder, suivis de cycles de Korngold et Zemlinsky ? C’est ce pari risqué que fait, tient et gagne de force, en fin de soirée, le ténor Torsten Kerl [lire notre chronique du 29 mars 2013].

Et pourtant, toute la première partie inquiète et laisse l’auditeur froid : très avancé sur la grande avant-scène de Garnier, le héros du Ring arbore ce soir une voix faible souvent dénuée de chaleur, à la projection difficile et dont les attaques par le bas forcent un vibrato inhabituel à chaque fin de phrases longues. Le piano de Boris Bloch reste distant et ne laisse pas plus pénétrer le cycle wagnérien que celui de Korngold. Du pianiste ou du chanteur, on ne sait qui attend l’autre, mais cela ne « décolle » pas. Passons donc, puisque la suite est bien meilleure.

Le premier cycle très schubertien du trop peu joué Alexander von Zemlinsky est porté par un chanteur plus en voix, plus dynamique, plus souriant et également mieux accompagné. Nous sommes encore loin du niveau atteint dans les Lieder Op.5 où Torsten Kerl se transforme totalement : la voix est alors chaude, ample et ouverte, à l’image de la bouche du chanteur maintenant beaucoup plus détendue. Nous l’avions cru fatigué : il n’était en réalité pas éveillé. De plus, l’œuvre est passionnante et permet d’entendre un compositeur bien plus mature que dans le précédent cycle et dont la technique personnelle est déjà bien marquée et annonce ses plus grandes pièces, même si cela ne l’aidera malheureusement pas aux États-Unis où il finira dans la misère après avoir émigré pour fuir le joug nazi.

Les bis prouvent encore l’aisance du ténor lorsqu’il s’agit de tenir sur la durée, la mélodie de Tchaïkovski comme celle de Rachmaninov mettant tout le monde d’accord, pianiste et chanteur y compris. Deux Lieder (qui auraient dû commencer la deuxième moitié) de Richard Strauss, Morgen et Zueignung, concluent ce concert – s’il vous plait, Messieurs, pourrions-nous réentendre les Wesendonck Lieder ?...

VG