Chroniques

par bertrand bolognesi

Liederabend Simon Keenlyside
Schubert et Schumann

Théâtre du Châtelet, Paris
- 17 décembre 2007
Liederabend du baryton Simon Keenlyside au Théâtre du Châtelet (Paris)
© dr

Pour orner la scène lyrique internationale, le baryton britannique Simon Keenlyside n’en dispense pas moins volontiers récitals et Liederabend, tel qu’il nous le rappelle ce soir à travers un programme exclusivement consacré à Schubert et Schumann.

Et c’est d’abord l’amoureux des poètes, l’enthousiaste fou Robert Schumann qu’il chante, avec les Zwölf Gedichte Op.35 composés en 1840 sur les vers de l’un des deux chefs de file de la discrète Schwäbische Dichterschule constituée au début du XIXe siècle : le médecin Justinus Kerner (Uhland étant son acolyte), tant critiqué par Heine que le musicien honora indifféremment.

Dès le premier chant, l’on remarque une approche plutôt heurtée du phrasé. Le piano de Julius Drake s’affirme opulent, presque opératique, n’hésitant pas à user d’une pédalisation souvent copieuse. Le baryton colore des attaques robustes qu’il maintient dans un mezzo forte sonore. Stirb, Lieb’ und Freud’ rencontre une pâte plus élégante et une conduite satisfaisante de la dynamique. Ainsi nous arrive un O Jungfrau rein d’une délicatesse inouïe. Cependant, sur Zur Nonne weight la raideur d’un falsetto malaisé accuse une fatigue passagère de la voix.

De fait, l’on constate tout au long de la première partie les symptômes d’une recherche du placement le moins traumatisant, soit la volonté de surmonterune petite forme vocale (divers accrocs, nasalisation excessive du bas-médium, virages d’intonation parfois vertigineux, diction un rien vrillée de l’allemand, etc.). Ceci expliquera le peu d’engagement du chanteur dans la musique elle-même : parant au plus urgent, il livre une prestation relativement terne qui se trouve obligée, par moments, de « donner de la voix » au lieu de ciseler la nuance. L’inventivité et l’imagination ne sont donc pas au rendez-vous, ce qui perturbe également un pianiste croyant devoir compenser par un curieux surlignage de chaque effet. Cela se pourrait appeler la trahison de l’hiver… qui n’a pas entravé un Wer machte dich so krank infiniment sensible.

Après l’entracte, Simon Keenlyside aborde Franz Schubert avec la légèreté d’émission constatée dans le pénultième chant de l’opus précédent. La voix paraît plus saine et le pianiste s’en tient au texte. Dès An den Mond in einer Herbstnacht, le baryton s’investit manifestement, dessinant exquisément cette humble méditation de Schreiber, maître es paysages. Après avoir libéré An die Leier, les artistes donnent du Geheimes de Goethe une interprétation assez fade, suivie d’un Blondel zu Marien maladroit, voire brutal. Le vaste Prometheus se trouve nettement mieux servi, bien que Julius Drake en gomme étrangement les figuralismes. Le choix de maintenir la pâte vocale dans une stricte égalité d’émission détermine un Wanderer remarquable. Une meilleure forme s’affirme au fil des dix mélodies, ce qui permet au baryton de remercier l’enthousiasme du public avec cinq bis.

BB