Chroniques

par laurent bergnach

Liederabend Angelika Kirchschlager
Schubert, Korngold et Weill

Auditorium du Musée d’Orsay, Paris
- 26 mars 2009
Angelika Kirchschlager photographiée par Nikolaus Karlinsky
© nikolaus karlinsky

Durant ces quinze dernières années, la carrière de la Salzbourgeoise Angelika Kirchschlager est devenue largement internationale puisque, suite à des concours remportés à Stuttgart et Vienne, elle chante hors des pays de langue germanique, notamment à Londres, New York, Milan et Paris. Dans cette ville qui lui offrit un de ses premiers rôles – Dorabella dans Cosí fan tutte –, elle revient régulièrement, mais sans nécessairement privilégier l’opéra. Pour moins délaisser sa vie de famille et échapper aux productions où chefs et metteurs en scène semblent indifférents à ses doutes, elle préfère désormais se produire en récital. Dans la lignée des Brahms et Liszt donnés au Théâtre des Champs-Élysées en 2006, elle propose ce soir un programme largement consacré au romantisme de Franz Schubert (1797-1828).

Dès le premier Lied (Fischerweise), le chant se livre avec évidence et souplesse, pour ensuite nous renseigner sur la tendresse du timbre (Bertas Lied in der Nacht) et la santé du registre grave (Wehmut). Son sens de la retenue sublime quelques pièces tout en recueillement (Die Liebe), lequel peut se muer en résignation (Frühlingsglaube) ou, au contraire, ouvrir l’espace (la seconde strophe de Die Sterne). La chanteuse est au diapason d’Helmut Deutsch, pianiste tout en retenue et nuance, accompagnateur légendaire (Irmgard Seefried, Rita Streich, Bo Skovhus, etc.) et enseignant occasionnel (comme hier, auprès des élèves du CNSM). Quand il croise les bras parce qu’une sonnerie téléphonique l’interrompt durant Abschied, on n’aimerait pas être fusillée par son regard…

Au début de l’année 1950, interrompant son exil hollywoodien pour retrouver la Vienne de sa jeunesse en pleine reconstruction, Eric Wolfgang Korngold (1897-1957) assiste à la création de Symphonische Serenade Op.39 (le 15 janvier) puis participe à celle des Fünf Lieder Op.38 (19 février), l’un des nombreux cycles de mélodies qu’il aura livrés depuis son adolescence. Composées entre 1939 et 1947, ces pièces permettent à Angelika Kirchschlager de faire montre de nonchalance (Glückwunsch) ou de rage onctueuse (My mistress’eyes), l’anglais invitant d’ailleurs à ébaucher un côté gouailleur [lire notre chronique du 30 juillet 2008].

Le récital se clôt avec Kurt Weill (1900-1950) : Stay well (Lost in the stars, 1949), Complainte de la Seine (1934), Je ne t’aime pas (1934), Der Abschiedsbrief (1933), ainsi que One life to live (Lady in the dark, 1941), donné en bis, offrent des moments sensibles, discrètement expressionnistes, et un français soigné tout particulièrement salué par le public.

LB