Chroniques

par laurent bergnach

Les quatre jumelles
opéra-bouffe de Régis Campo

Théâtre Silvia Monfort, Paris
- 12 février 2009
Les quatre jumelles, opéra-bouffe de Régis Campo
© enrico bertolucci

C'est en 1973 que Copi (1939-1987) fait paraître Les quatre jumelles, une pièce qui, comme ses précédentes (La Journée d'une rêveuse, Eva Peron, etc.), s'inscrit dans l'héritage du théâtre de l'absurde apparu dans les années cinquante avec Adamov, Beckett et Ionesco. En effet, on retrouve ici quelques règles du genre comme le refus du réalisme, l'absence d'intrigue et surtout un climat de catastrophe invitant à un rire plus ou moins grinçant. Qu'on en juge : dans un Alaska imaginaire, les sœurs Goldwashing, chercheuses d'or en quête de travail, rencontrent les sœurs Smith avec lesquelles commence une lutte à mort sans répit. Dans ce huis clos burlesque dominé par la figure du travesti, l'écrivain argentin joue de manière désinvolte avec la transgression (la drogue, l'insulte la plus triviale) comme avec les stéréotypes de genres littéraires considérés comme mineur (enfance délinquante des sœurs Goldwashing, digne d'un roman-feuilleton suranné).

De cette pièce plus que trentenaire, Régis Campo a tiré un opéra-bouffe en un acte – « genre à réinventer dans la production actuelle de l'opéra contemporain français », dit-il –, créé à la Maison de la Musique de Nanterre le 9 janvier dernier, et conçu pour pouvoir tourner facilement dans les salles. L'instrumentarium est ainsi réduit à une trompette, un hautbois, une contrebasse, une guitare électrique, un accordéon, un violon, une clarinette, une flûte et aux percussions, soit des membres de l'Ensemble TM+, dirigé rondement par Laurent Cuniot. Pour sa part, usant d'un décor dépouillé, Jean-Christophe Saïs respecte la fantaisie du texte sans surenchérir l'hystérie musicale (les coups donnés à distance, par exemple).

Si l'on s'agace de glissandos récurrents côté Smith, de l'unisson des premiers duos côté Goldwashing, force est de féliciter le compositeur pour son audace dans le choix des tessitures et la qualité des artistes invités. Julie Robard-Gendre et Sylvia Vadimova (Maria et Leïla Smith) sont deux mezzo-sopranos qui s'équilibrent judicieusement – chant clair pour la première, plus ferme et profond pour la seconde. Avec la quinte de toux qui suit sa piqure de talc, le contre-ténor Robert Expert (Joséphine) prouve que ses graves sont aussi sonores que ses aigus. Enfin, si l'on doutait de la souplesse du sopraniste Fabrice di Falco, son air du kaléidoscope permet de clore magnifiquement l'ouvrage.

LB