Chroniques

par nicolas munck

Les Percussions de Strasbourg
Michael Levinas, François-Bernard Mâche, Iannis Xenakis

Festival Messiaen au Pays de La Meije / Villar d’Arène
- 1er août 2014
le compositeur français François-Bernard Mâche, joué au Festival Messiaen 2014
© dr

Entre randonnées et concerts haut perchés, il est bientôt 21 heures. Sur la place de Villar d’Arène, la température est agréable pour notre second rendez-vous musical avec le Festival Messiaen au Pays de La Meije [lire notre chronique du jour], mais un sombre amas nuageux plane dangereusement au dessus du plateau de plein air qui accueille les six solistes virtuoses des mythiques Percussions de Strasbourg – rejoints, il y a peu, par Minh-Tam Nguyen, jeune percussionniste vietnamien formé au CNSMD de Lyon dans la classe de Jean Geoffroy.

Au programme, Aéra de François-Bernard Mâche (1978), l’un des pionniers de la musique concrète – présent et invité à la table-ronde Xenakis la géométrie des sons en matinée –, Transir pour six marimbas de Michaël Levinas (2005), à la veille de la création de ses Désinences pour deux pianos et électronique, enfin les incontournables Pléiades d’Iannis Xenakis (1978 également).

Dans Aéra, dont le titre ambigu signifie air en grec et bronze en latin, le compositeur [photo] développe une recherche sur la couleur et le phénomène d’évaporation du son dans une superposition de strates rythmiques très différentes. Convoquant exclusivement les percussions à hauteurs déterminées où les métaux tiennent une place prépondérante, la pièce joue sur les phénomènes de fusion et de textures mélangées : vibraphones avec archets, roulements de marimbas dans les registres graves, entretien du son par les gongs thaïlandais, etc. Malheureusement, dans cette projection de plein air la finesse du traitement sonore, évoluant de manière quasi-imperceptible, se perd et file littéralement entre les oreilles. Le même déséquilibre, lié par ailleurs au choix de baguettes parfois privées d’attaque, se constate de la même manière dans l’effectif détonnant (on songe immédiatement au Six marimbas de Steve Reich) du Transir de Levinas. Si le son global et l’alliage de cette recherche de « désynchronisation entre harmonique et inharmonique » sont bien effectifs, ils pâtissent toutefois d’un effet d’éloignement acoustique et d’une forte perdition d’énergie.

En réalité, il faut attendre Pléiades, et plus particulièrement son mouvement consacré aux instruments à peaux (placé en ultime position de cette version), pour que prenne enfin une réelle envergure le son d’ensemble. Comble de malchance, la pluie, qui s’était pourtant abstenue de jouer les trouble-fêtes dans les premiers mouvements de cet opus, s’invite dans les derniers instants, créant un curieux spectacle entre impacts sur les peaux et projection de gerbes d’eau.

Si la qualité d’un l’ensemble de haute volée faisant fi des éléments climatiques et la pertinence des choix de programmation ne sont, bien sûr, pas à remettre en cause, l’option d’un lieu de plein air non spatialisé ne laisse qu’imparfaitement saisir tout ce qui est ici en jeu. Feuilleton à suivre…

NM