Chroniques

par bruno serrou

les maîtres à l’épreuve du concert
session de composition

Abbaye de Royaumont
- 18 septembre 2010
© ircam

Samedi soir, Réfectoire de l'abbaye royale de Royaumont, le concert de l’excellent ensemble Linea dirigé par son fondateur Jean-Philippe Wurtz, les jeunes compositeurs du stage Voix nouvelles étaient rassemblés au milieu d’un public- hélas ! - trop disparate, pour écouter les dernières œuvres en date de leurs professeurs. Espérons qu’ils en auront tiré quelques leçons et qu’ils auront compris qu’il ne suffit pas d’écrire à la manière de dans le but de complaire aux maîtres, ou de se contenter d’être des clones, mais qu’il faut aussi être soi-même.

C’est d’ailleurs ce qui fait la caractéristique du jeune Aurélien Dumont (né en 1980 ; photo) qui appartient à la même génération que les stagiaires, qu’il a précédés de peu à Royaumont. Donnée en création mondiale, Sérieux Gravats pour six instrumentistes (flûte alto, clarinette-clarinette basse, trombone, alto, piano et percussion) est la deuxième des pièces de son cycle Nara commencé avec Circa Sika pour quatuor à cordes et électronique, créé par le Quatuor Diotima en juillet dernier, et qui précède Grands défilés, spectacle théâtral pour mezzo-soprano, serpent, actrice, acteur et électronique en temps réel dont la création est programmée en décembre prochain au Conservatoire de La Villette. Cette œuvre aux élans oniriques et rêveurs, enjolivés par une quête de sons inouïs (anche de basson dans l'embouchure du trombone avec glissandi de la coulisse à vide, etc.), augure bien de l'avenir de ce créateur qui tient fort bien la comparaison avec ses aînés, à en juger par les partitions présentées après la sienne et signées des trois professeurs de la session 2010.

L'Australienne Liza Lim (née en 1968) a donné, en création mondiale, Buwayak (Invisibility) pour flûte alto, clarinette basse, trompette, violoncelle et percussion, commande de la Fondation Royaumont et de Linea, qui s'essaie aussi aux sons inédits (archet du violoncelle martyrisé avec sa mèche enroulée autour de la baguette, baguette de chef parcourant le manche de l’instrument, trompette bouchée avec un CD, et autres traitements de ce genre), propose un panel d'idées qui restent à creuser plus avant. Autre pièce en création mondiale, mais commande d’Etat, cette-ci, Finito ogni gesto pour flûte, clarinette, cor, violon, violoncelle et percussion de l’Italien Francesco Filidei (né en 1973) est la plus théâtrale du lot, avec gestes instrumentaux et grands effets dramatiques, et un traitement particulier infligé, cette fois, aux interprètes (corniste et flûtistes jouant aussi du tuyau, appeaux, crécelles pour tous, ballons éclatés pour le percussionniste, etc.).

La page la plus longue (vingt huit minutes) est celle du Britannique Brian Ferneyhough (né en 1943), professeur permanent de Royaumont depuis vingt ans, qui, dans Chronos Aion donné en première française, joue de la saturation et de la virtuosité poussée a l'extrême et ne craint pas l'humour, avec des citations de musiques de film, La Panthère rose et Star Wars en tête. Quelques longueurs aux deux-tiers de cette œuvre pour dix-huit instruments (piccolo-flûte-flûte alto-flûte basse, hautbois-cor anglais, deux clarinettes-clarinette basse-clarinette contrebasse, basson-contrebasson, cor, deux trompettes-trompette piccolo, trombone, harpe, piano, deux percussionnistes, deux violons, alto, violoncelle, contrebasse), mais un final splendide, sur un diminuendo de flute basse.

BS