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Chroniques
les joyeuses utopies du Chamber Orchestra of Europe
Les mélomanes un rien courageux qui ont su affronter les frimas de décembre et la neige ne se seront pas déplacés pour rien jusqu’à la Cité de la Musique, ce vendredi. Ils en sont en effet ressortis ragaillardis et réjouis, grâce à un programme plaisant et délicat, délicieusement interprété par des musiciens d’exception : ceux de l’Orchestre de Chambre d’Europe brillamment dirigés par Vladimir Jurowski.
Utopies, certes, comme suggéré par le titre générique de la série dans laquelle ce concert est intégré, mais comme le bonheur de la jeunesse chantée par Glinka, Mendelssohn, ce dernier magnifié par le jeu et les sonorités rayonnantes de Joshua Bell, Schubert et... Rossini. De Mikhaïl Glinka, une séduisante Valse-Fantaisie sans prétention mettant en valeur les instruments à vent, composée en 1839 et dont Berlioz donna la création d’une deuxième mouture à Paris en 1845, onze ans avant qu’une version définitive voit le jour à Saint-Pétersbourg.
Ecrit en 1844 pour Félicien David, signataire de la cadence, ultime partition orchestrale de son auteur, le Concerto pour violon en mi mineur Op.64 de Felix Mendelssohn-Bartholdy est l’un des sommets de la littérature violonistique. De son Stradivarius « Gibson » ex-« Huberman » de 1713, le violoniste états-unien Joshua Bell en donne une lecture vive, charnue, bienheureuse, d’une précision technique sans faille mais incroyable de naturel et de brio, dans un dialogue tendrement complice avec l’orchestre élégamment mené par Jurowski.
La seconde partie est entièrement consacrée à Franz Schubert, un Schubert de moins de vingt ans, avec l’Ouverture en ré majeur « Dans le style italien » D590 de 1817, page assez développée dont le titre a été donné après la mort du compositeur par son frère Ferdinand, et qui trahit l’influence de Gioacchino Rossini sur l’opéra dans la Vienne de l’époque, ce dont le compositeur ne se remettra jamais, malgré ses multiples tentatives dans le domaine du théâtre lyrique. C’est bien là ce que rappelle judicieusement Vladimir Jurowski à l’issue du concert en offrant en bis une sémillante ouverture de la Cenerentola du Cygne de Pesaro, donnant ainsi du baume au cœur à un public qui s’interrogera pourtant sur les origines de cette musique joyeusement exécutée par un orchestre virtuose et guilleret… tout en veillant à ne pas glisser sur la neige en se précipitant vers le métro.
Auparavant, la juvénile et délicieuse Symphonie n° 3 en ré majeur D200 de Schubert sonne de façon enthousiasmante dans la salle modulable à l’acoustique qui pour une fois paraît surchauffée par un orchestre aux sonorités fruitées et d’une précision stupéfiante. À tel point que ce programme apparemment anodin se fait source de joie de l’âme et fête du son. Vivement le retour de cette formation à la Salle Pleyel en janvier, dirigée cette fois par Bernard Haitink, pour une intégrale des symphonies de Beethoven qu’il sera intéressant de comparer à celle donnée par les Wiener Philharmoniker et Christian Thielemann en novembre dernier [lire notre chronique].
BS