Chroniques

par marion saludas

Le songe
chorégraphie de Jean-Christophe Maillot

Auditorium, Dijon
- 4 février 2006
Le songe, chorégraphie de Jean-Christophe Maillot
© laurent philippe

Inspiré de la comédie onirique de William Shakespeare, Le Songe d'une nuit d'été, et nourrit de l'inspiration du chorégraphe contemporain Jean-Christophe Maillot, ce ballet en deux actes, interprété par le Corps de ballet de Monte-Carlo, célèbre la géométrie des sentiments, sous la brillante musique de Felix Mendelssohn, enrichie des partitions de Daniel Teruggi et Bertrand Maillot.

Dans le premier acte, des comédiens amateurs, artisans d'Athènes, ont été engagés par le Duc Thésée pour jouer la comédie de Pyrame et Thisbée à l'occasion de ses noces avec Hippolyte. Cette dernière est entourée au palais de ses amies : Héléna, amoureuse de l'officier Démétrius, et Hermia, éprise du jardinier Lysandre. Egée, qui s'oppose au choix de sa fille Hermia, veut la forcer à épouser Démétrius et demande au Duc de trancher. Hermia s'enfuit avec Lysandre, tandis que Démétrius les poursuit. Dans la forêt, à la nuit tombante, des musiques cosmiques éclairent Oberon et Titania venus assister en secret aux noces, tout en se disputant la protection d'un petit page. Souhaitant jouer d'une ruse pour le récupérer, le roi des Elfes charge Puck, son fidèle lutin, d'aller cueillir la fleur de Cupidon. Sa sève aurait le pouvoir de rendre amoureux la première personne dont on croise le regard. Par erreur ou par jeu, Puck ensorcelle Lysandre qui tombe amoureux d'Héléna. Obéron lui demande alors de réparer son erreur. Au second acte, Titania tombe sous le charme d'un âne avec lequel elle s'accouple ; Puck en profite pour enlever le page et le remettre à son maître. Par la suite, le roi des Elfes reprend sa place aux côtés de Titania. Les artisans qui avaient perdu Bottom le retrouvent. Ils peuvent désormais jouer la parodie du mariage des trois couples : Hyppolyte et Thésée, Hermia et Lysandre et Héléna et Démétrius.

Le Songe s'articule autour de trois univers contrastés qui se chevauchent : l'Amour raison (les Athéniens), l'Amour passion (les fées) et l'Amour labeur (les artisans). Ces différents tableaux sont facilement identifiables grâce aux musiques. Ainsi, celle de Mendelssohn alimente l'effervescence des jeux amoureux des Athéniens. Les notes de Daniel Teruggi révèlent l'univers des fées. Quant à la musique de Bertrand Maillot, elle s'inspire des anciens métiers (le charpentier, le chaudronnier, etc.) et évoque le travail maladroit des artisans s'essayant à jouer la comédie. Grâce aux accords de flûtes et au chœur, ces univers sonores nous glissent progressivement vers les frontières du rêve et de l'illusion. On peut seulement regretter que les partitions classiques jouées par l'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, sous la direction de Nicolas Brochot, soient enregistrées plutôt que jouées sur place.

Quant à elle, la danse se veut technique, oscillant entre un style classique et des chorégraphies acrobatiques complexes, mettant en relief la capacité de la troupe à interpréter différents registres. Il faut saluer la souplesse d'Aurelia Schaefer (Hippolyte), April Ball (Héléna) et Agalie Vandamme (Hermia) qui font vibrer le public en enchaînant toute une série de variations très rapides, sur pointes. Certaines portées d'Andrew Crawford (Thésée), de Julien Bancillon (Lysandre) et d'Asier Uriagereka (Démétrius) laissent, à plusieurs reprises, le public bouche bée. Mais le plus gros des applaudissements revient à Bernice Coppieters (Titania) et Jérôme Marchand (Oberon) [photo] qui nous offrent de nombreuses scènes d'une grande poésie où l'exacerbation des sens est judicieusement interprétée. Les neuf fées, dans leurs tutus courts joliment ornés, accompagnent avec délice et fluidité les prestations de Titana et Oberon. Jeroen Verbruggen qui se déplace sur sa fleur électrique est très à l'aise dans le rôle de Puck, irrésistible meneur de jeu. Aussi, les artisans habitent leur personnage et nous font généreusement rire quand ils ne dansent pas.

Une toile modulable formant une vague constitue l'élément principal du décor. Planant dans les airs, elle anime tour à tour les trois actions qui se succèdent. Conçue par le scénographe Ernest Pignon-Ernest, elle laisse passer au besoin la lumière et recrée l'atmosphère du palais, de la forêt, de la mer, des lieux grouillant de rêves et de mystères. Le reste de l'espace est très épuré, faisant place à une troupe qui s'impose sur scène. Bien que, pour démêler le fil des histoires, le public aurait apprécié un entracte, Le Songe de Jean-Christophe Maillot ne peut pas laisser indifférent.

MS