Chroniques

par isabelle stibbe

Le médecin malgré lui
opéra-comique de Charles Gounod

Opéra de Dijon, Théâtre
- 3 octobre 2009
Le médecin malgré lui, opéra de Charles Gounod, joué à Dijon
© elisabeth carecchio

Il y aurait une thèse à écrire sur les faux médecins à l'opéra. Parmi les plus connus : cette friponne de Despina dans Così fan tutte ou le mercanti Dulcamara dans L'Élixir d'amour. Passé aux oubliettes de l'histoire, Sganarelle, héros du Médecin malgré lui de Charles Gounod qui a pourtant modelé son opéra sur l'intrigue d'un maître en matière de faux de toutes sortes, qu'ils soient dévots ou médecins : Jean-Baptiste Poquelin dit Molière.

Œuvre en trois actes créée en 1858 au Théâtre-Lyrique, l'opéra-comique de Gounod adapte fort habilement le texte de l'auteur du Tartuffe : les paroles chantées sont signées Jules Barbier et Michel Carré tandis que les dialogues parlés restent de Molière. Ils sont si nombreux et si bien mis en valeur que l'on comprend qu’à la création la Comédie-Française ait pris ombrage de cette concurrence de répertoire.

On s'étonne même qu’avec cette partition, la musique se fasse si humble servante du texte. Un an seulement sépare Le médecin malgré lui (1858) de Faust (1859). On est pourtant loin des grands airs spectaculaires de Marguerite ou du chœur des soldats. Sans être d'une inventivité harmonique époustouflante (on relève même çà et là quelques accents pompiers datés dans le chœur qui suit la supercherie du faux médecin), la musique de cet opéra méconnu séduit dans sa manière de rendre hommage au Grand Siècle. L'ouverture est à cet égard un bel exemple de croisement des écritures entre la façon du XIXe siècle et celle du XVIIe. Les influences sont patentes, le baroque pointe son nez de façon savoureuse.

Si Pascal Verrot dirige avec habileté, faisant ressortir les subtilités et l'humour de l’écriture musicale, c'est surtout la mise en scène de Sandrine Anglade qui donne au spectacle un tour très enlevé. Elle aussi mélange les époques : parapluies et fracs noirs pour symboliser la morosité du XIXe, jupons et perruques colorés pour le baroque du XVIIe. Pièce maîtresse de la scénographie : un grand lit par dessous lequel entrent et sortent les chanteurs comme dans un chapeau de magicien. « Passer sous le lit, c'est passer d'un siècle à l'autre, le pourpoint baroque éclipsant peu à peu la noirceur de la redingote », explique Sandrine Anglade dans le programme. Une idée habile qui n'aurait pas si bien abouti sans le talent des chanteurs. Fort bien dirigés, ils s'impliquent tous avec l'énergie de la jeunesse et un bel esprit de troupe.

À leur crédit également, un élément essentiel : la diction.
En l'absence de surtitre, on aurait pu s'inquiéter de ne pas bien saisir le texte. Cette crainte s'envole vite. Tous se font comprendre sans aucune difficulté, peut-être grâce à la préparation d'une conseillère vocale de haut vol : Françoise Pollet. En tête des chanteurs, Olivier Naveau (Sganarelle), dont on avait déjà souligné l'articulation soignée dans Celui qui dit oui, celui qui dit non [lire notre chronique du 19 janvier 2007], se fait remarquer par une présence et une aisance scénique indiscutables, assorties d'un joli timbre de baryton. Sur scène d'un bout à l'autre, il porte le spectacle sur ses épaules, bien entouré par Marie-Paule Bonnemason (Martine), Bertrand Bontoux (Géronte) et Joëlle Charlier (la nourrice). De jeunes chanteurs prometteurs, une partition à redécouvrir, une mise en scène enlevée : un coup de frais en ce début de saison lyrique.

IS