Chroniques

par marc develey

Le Concert Français
Johann Sebastian Bach

Philippe Maillard Productions / Salle Gaveau, Paris
- 30 janvier 2006
Pierre Hantaï, l'une des chevilles ouvrières du Concert Français
© gert mothes | bach archiv leipzig

C’est autour des œuvres orchestrales de Johann Sebastian Bach que Le Concert Français, fidèle à sa vocation, dédie le programme de cette soirée. Trois pièces en pièces en ré majeur (Suite pour orchestre n°4 BWV 1069, Concerto brandebourgeois n°5 BWV 1050 et Suite pour orchestre n°1 BWV 1068) y alternent avec deux pièces en mineur, la Suite pour orchestre en si mineur n°2 BWV 1067 et la Sinfonia (en sol mineur) de la Cantate « Ich hatte viel Bekümmernis »BWV 21. Un concert inégal, mais plein de ces promesses que l’on rêve de voir tenues.

Une interprétation sans esprit de la Suite n°4 l’ouvre pourtant sous de mauvais auspices. La justesse défaillante et le défaut de précision du trio de hautbois entraîne les cordes dans un son pâteux, mollement articulé, sirupeux même, parfois (Menuett II). La netteté des interventions du basson ne sait pas relever une interprétation qui s’englue subtilement dans une certaine lourdeur ornementale au mauvais sens du terme – on en réfère aux accents poussifs de l’Ouverture sur les rythmes en double-croche pointée, par exemple.

Fort heureusement, les impressions pénibles laissées par cette première œuvre sont rapidement balayées par l’interprétation de la Suite n°2. L’orchestre, précis, vif et d’une belle tenue (dans la Sarabande, notamment) met en valeur la qualité dansante de chaque pièce – et l’on n’en regrette guère que l’anticipation des ritenuti de l’Ouverture et la Sarabande. La flûte soliste est particulièrement bien servie par l’expressivité du jeu de Marc Hantaï. L’articulation souple, soutenue par un legato soigné, nous vaut de fort beaux moments, sur les longs traits solos de l’Ouverture ou du Double de la Polonaise, entre autres. Peut-être le son, toujours très élégant, se retrouve-t-il ici et là recouvert par l’orchestre (Bourrée et Badinerie), voire le continuo (Double de la Polonaise). Mais cette discrétion vient, en tout état de cause, délicatement souligner un fort beau travail d’ensemble.

Toutes qualités que l’on retrouve dans l’exécution du Concerto brandebourgeois. Le trio flûte-violon-clavecin (Marc Hantaï, Amandine Beyer, Pierre Hantaï respectivement) y fait merveille, qu’il en aille de la folie jubilatoire du clavier lors de la cadence de l’Allegro initial, de la tendresse sans minauderie de l’Affetuoso, portée par la sobriété des appogiatures et la qualité de la diction du flûtiste, ou encore de l’entrelacs richement texturés de l’enchaînement de duos que suscite l’entrain de l’Allegro final.

Les deux dernières pièces font appel à une formation plus fournie. Sobrement traitée, la Sinfonia est soutenue par un ostinato un peu sec, plaçant l’exécution sous un climat de détresse rageuse, renforcé par le jeu plus rhétorique que pathétique du hautbois, ainsi qu’un accent particulièrement marqué sur la cadence rompue finale. Bien que se trouvant loin d’une interprétation de référence, l’ensemble ne manque pas de tenue. Cela dit, perdue entre deux pièces alertes et de plus grande envergure, cette œuvre paraît quelque peu anecdotique. L’a-t-on placée là pour préserver l’alternance majeur-mineur, ou pour allonger la durée d’un programme jugé trop bref ? Toujours est-il qu’Objet Musical Mal Identifié, elle ne parvient pas à rencontrer d’applaudissement, bien au contraire de la Suite n°1 qui clôt le concert. Nous n’en saurions rien dire qui n’ait déjà été mentionné : pièces dansantes, belle tenue rythmique, son plein, discrétion du continuo, pupitres équilibrés (mention tout particulière pour le basson, décidément remarquable) : autant de marques d’une excellence que l’avenir et la maturité confirmeront, gageons-le.

MD