Chroniques

par laurent bergnach

le carnet d'études de Florent Jodelet
œuvres d’Álvarez, Carter, Maresz, Naon, Pagliei

Ircam, Paris
- 22 octobre 2008
le jeune compositeur italien Lorenzo Pagliei joué à l'IRCAM par Florent Jodelet
© dr

L'Ircam poursuit ses carnets d'études, initiés l'an passé, qui présentent des pièces avec lesquelles interprète, compositeur et chercheur repoussent les limites de l'instrument et de l'informatique. Ce soir, c'est la percussion qui est à l'honneur, dont l’officiant est Florent Jodelet, omniprésent sur scène. Elliott Carter étant particulièrement fêté par le milieu de la musique contemporaine à l'approche de son centenaire, deux des Huit pièces pour quatre timbales ouvrent la soirée. Utilisant intensivement desglissandos chromatiques, Adagio (III) libère une énergie joyeuse et douce, une sauvagerie retenue qui s'oppose au climat plus inquiétant de Canto (VI) où la musique semble moins décidée, comme hésitante. Ces pages datent de 1966 et sont dédiées au percussionniste Jan Williams qui aidait à la révision des six autres, conçues en 1949.

Avec L'Apparente (en création mondiale), Lorenzo Pagliei, né en 1972 [photo], expérimente le rapport et la distance entre geste et son, à l'aide de trois types différents de production sonore : d'une part, deux plaques de bois amplifiées sur lesquelles Benjamin Huyghes et Hervé Trovel frottent leurs mains, passent une râpe ou font rebondir une brosse à linge ; d'autre part, le violoncelle d'Alexis Descharmes et la trompette de Jean Bollinger dont les sons amplifiés soutiennent les différents rythmes explorés ; enfin, au centre du groupe, le corps de Florent Jodelet, dont les mains munies de capteurs sans fils modifient en temps réel l'ensemble des sons environnants. De par l'importance accordée au mime dans sa pièce, l'élève de Grisey, Lachenmann et Leroux la définit comme « une sorte de théâtre de gestes ». Jouée à sa suite, Étude d'impacts (2006) de Yan Maresz passe presque inaperçu.

Après l'entracte sont donnés deux pièces du Mexicain Javier Álvarez (né en 1956).
Shekeré (2001) tire son nom de l'instrument afro-cubain d'origine yoruba, constitué d'une calebasse à fond plat recouverte d'un filet de perles en céramique que Jodelet secoue, soupèse, frappe, caresse avec les ongles, etc. De façon cyclique, l'enregistrement de phrases plus sèches et boisées se mêle au son minéral entendu sur scène. Conçu pour approfondir la technique du steelpan ténor, Estudio n°5 (2002) égrène des notes soyeuses qui tranchent avec le final tribal de la pièce précédente, s'affichant comme le côté lunaire de ce diptyque circonstanciel.

Nous retrouvons Carter et ses pièces pour quatre timbales. Dans Canaries (VII), la frappe franche laisse beaucoup de place au silence où s'épanouit la résonance, tandis que dans March (VIII), les peaux semblent juste effleurées, mais avec énergie et fougue, en une grande variété de tempi. Luis Naón (né en 1961) clôt la soirée avec la création de Caprices 5 et 6, pour vibraphone, cloches de vache, cloche-tubes, cloche-plaques et électronique. Rythmique et virtuose, le premier s'avère peu mémorable, à l'inverse du second qui explore la matière sonore et le timbre grâce à une partition plus aérée.

LB