Chroniques

par isabelle stibbe

La sonnambula | La somnambule
opéra de Vincenzo Bellini

Opéra national de Paris / Auditorium Bastille
- 25 janvier 2010
La sonnambula de Bellini, par Natalie Dessay à l'Opéra national de Paris
© julien benhamou | opéra national de paris

Et de deux ! Après Norma au Châtelet [lire notre chronique du 18 janvier 2010], c'est au tour de La sonnambula d'avoir les honneurs des scènes parisiennes. Pour une entrée au répertoire, l'œuvre bellinienne bénéficie d'un atout de taille : Natalie Dessay. On en est d'autant plus heureux que le soprano annonce qu'il s'agit de son avant-dernière apparition dans le rôle-titre. On en est même doublement heureux, en ce soir de première où une annonce micro (ce n'est jamais bon signe) nous apprend que « Madame Natalie Dessay (oh ! d'inquiétude de la salle), souffrante ces derniers jours (on retient son souffle)a quand même tenu à assurer la représentation (soulagement et applaudissements) ». C'est donc sous l'attention bienveillante du public que commence la représentation.

Le rideau se lève sur une immense table de banquet dressée dans un hôtel bourgeois. Ambiance un peu mélancolique et décadente à la Stefan Zweig ou à la Thomas Mann, façon Montagne magique – il faut dire qu'on est en Suisse, comme l'indiquent les cimes enneigées aperçues par la grande fenêtre à jardin. Le décor assez massif de Marco Arturo Marelli, qui signe aussi la mise en scène et les costumes, ne changera quasiment pas au deuxième acte. Seule la pirouette finale (qu'on ne révèlera pas pour n'en pas gâcher l'effet de surprise) sauve quelque peu cette production très illustrative et trop sage. À moins qu'on considère cette fin vraiment drôle comme complètement inopportune et décalée dans une réalisation totalement dépourvue d'humour…

Quoi qu'il en soit, cette production de la Staatsooper de Vienne (créée en 2001) n'arrive pas, malgré une assez bonne répartition de l'espace, à faire oublier l'indigence du livret (l'histoire est à dormir debout – c'est le cas de le dire) ni les faiblesses de la partition qui fit pourtant la gloire de Bellini à sa création en 1831. En dépit de quelques beaux airs (dont le célèbre Ah ! non credea mirarti) qu'on entend le plus souvent en morceaux choisis, force est de relever la pauvreté harmonique de l'œuvre. Elle ressort davantage en raison de la direction d’Evelino Pido. Sans aucun doute, l'Italien est à l'aise dans ce répertoire, mais avec les défauts de ses qualités : soucieux de faire entendre les silences et les rubati, il relâche le fil dramatique ; attentif aux chanteurs (et surtout à Natalie Dessay qu'il « chouchoute » en raison de son état de santé), il devient complaisant avec le plateau.

Le plateau, venons-y enfin.
Comme d'habitude, il émane de Natalie Dessay une telle présence et une telle science du jeu qu'elle rendrait intéressante la lecture du Bottin. Et sa voix… « Qu'est-ce que ce serait si elle n'était pas malade », ne cessent de commenter les spectateurs. Il est vrai que les aigus ne sont pas entamés et que le médium continue de s'affirmer. On perçoit bien une légère fragilité, une fatigue accrue au II, mais la chanteuse a, elle, les qualités de ses défauts qui la rendent encore plus bouleversante dans le rôle de l'injustement soupçonnée. Javier Camarena (Elvino) ne possède pas le plus beau timbre de ténor (la voix est parfois dans le nez) ni un charisme à la hauteur de celui de sa partenaire, mais il prend de l'ampleur au dernier acte. Marie-Adeline Henry campe une Lisa un peu caricaturale. La voix est cependant intéressante, bien qu'elle manque de moelleux. Michele Pertusi compose un comte crédible, et si la voix n'est pas très projetée, la ligne de chant reste impeccable. En fin de compte, n'est-ce pas la quintessence de cet opéra ?

IS