Chroniques

par gérard corneloup

La Navarraise, opéra de Jules Massenet
Cavalleria rusticana, opéra de Pietro Mascagni

Opéra-Théâtre de Saint-Étienne
- 4 novembre 2011
La Navarraise, opéra de Massenet, photographié par Jean-Antoine Raveyre
© jean-antoine raveyre

C’est presque un combat, un pugilat, que la scène lyrique stéphanoise vient de proposer aux mélomanes. Un combat totalement inoffensif, toutefois, uniquement musical et lyrique, mettant face à face sur le ring – pardon, sur la scène – deux volets de ce qu’il est convenu d’appeler l’opéra vériste. À gauche, ou plutôt côté cour, un grand classique en la matière, archiconnu, d’origine italienne, Cavalleria rusticana de Mascagni. Côté jardin, une rareté française, de surcroît stéphanoise d’origine, La Navarraise de Massenet. Le tout arbitré par la baguette précise, incisive autant que lyrique, bref tout à fait à son aise, du maestro Laurent Campellone. Palmarès final : un point partout, avec, cependant, une belle avancée pour la « Cavalleria espagnola » stéphanoise, comme l’appelèrent des critiques lors de la création parisienne, en 1895, attendu que ce drame vériste, c'est-à-dire sanglant, se passe dans l’Espagne bien trouvée du XIXe siècle finissant. Deux critères scellent avant tout la résurrection de cette œuvre heureusement exhumée : la vivacité de la partition et l’adéquation de la conception scénique.

Côté partition, peut-être un rien aiguillonné par le succès international que vient de remporter l’œuvre de Mascagni, Jules Massenet sort des sentiers archi-battus de l’opéra-romance qu’il affectionne pour enfanter une musique dense, mouvante, fulgurante même, tendue, servie par une orchestration ample et vigoureuse ; bref, à des années-lumière des douceurs sirupeuses de Thaïs et des phrases languides de Manon. Incroyable mais vrai !

L’autre atout du spectacle réside dans la conception dramaturgique imaginée et déployée avec une belle maîtrise par un routier de la scène : Jean-Louis Grinda, dans des décors de Rudy Saboungy, des costumes de David Belugou et sous des éclairages très en situation de Laurent Castaingt et Cyrille Chabert. Rien d’extravaguant : des murs sombres, des ombres, des haillons, des groupes prosaïquement armés, un combat du quotidien ; bref, Zola est là.

Pour Cavalleria rusticana (sur la musique duquel il n’est pas utile de revenir), la démarche du metteur en scène Vincent Vittoz est à la fois proche et éloignée, mais nettement moins convaincante. Dans les sobres décors d’Amélie Kiritzé-Topor, les costumes de Dominique Burté et sous les éclairages de Cyrille Chabert, lui aussi joue la carte vériste et la simplicité. Fort bien, lors de séquences adroitement conduites, telle la montée des choristes apparaissant en fond de scène, arrivant des degrés d’un escalier que l’on imagine sans fin ; nettement moins bien lors d’allers et retour des solistes, de cour à jardin, justement, où il ne se passe pas grand’chose.

Autre atout de ce spectacle : l’adéquation, la qualité vocale et la vitalité dramatique d’une distribution jeune et bien choisie, servant avec le même bonheur Massenet et Mascagni. À commencer par Marie Kalinine, aussi superbe dans l’ibérique Anita que dans la sicilienne Santuzza. On peut en dire de même de ses coéquipiers, le vaillant ténor Dimitris Paksoglou et le solide baryton André Heyboer. Ajoutons leur Béatrice Burley et Yété Queiroz dans Cavalleria rusticana, Alain Herriau et Marc Larcher dans La Navarraise et,dans les deux cas, le Chœur lyrique de Saint-Étienne-Loire, modèle d’homogénéité, comme les musiciens de l’Orchestre symphoniques maison. À quand ce Massenet pas comme les autres sur d’autres scène de l’Hexagone ?

GC