Chroniques

par laurent bergnach

La marche glorieuse de Modeste le petit pion
conte musical d'Alexandre Gasparov

Festival Musikalia / Cité de la musique, Paris
- 17 juin 2006
La marche glorieuse de Modeste le petit pion, conte musical d'Alexandre Gasparov
© dominique deangeli-cayol

Qu'est-ce qui a rapproché Alexandre Gasparov, compositeur né en 1961, élève de Nikolaï Sidelnikov (composition), Dmitri Sakharov (piano) et M. Milmann (musique de chambre) au Conservatoire de Moscou, installé à Paris depuis plus de quinze ans, et Mathilde Maraninchi, étudiante en mise en scène devenue journaliste spécialisée dans les jeux puis scénariste de dessins animés ? Une passion commune pour les échecs. Si on peut d'emblée citer des œuvres littéraires associées à ce « noble jeu » (Le Joueur d'échecs de Zweig, La Défense Loujine de Nabokov, ou l'équivalent asiatique : Le Maître ou le tournoi de go de Kawabata), ce thème apparaît moins en musique que les saisons ou les planètes. C'est chose faite avec La Marche glorieuse de Modeste le petit pion, mini drame épique pour orchestre de chambre et récitant qui souhaite – à l'image du Festival Musikalia – toucher un jeune public. Gasparov en a l'habitude maintenant, puisqu'il répondait l'an passé à deux commandes de ce type pour l'Orchestre de Bretagne.

Après avoir présenté aux nombreux enfants présents la fonction des douze musiciens, Philippe Murgier rappelle ce que tout joueur avait déjà décrypté dans le titre de l'œuvre : un pion est la pièce la plus fragile de l'échiquier car condamné à n'avancer que d'une seule case à la fois, quasiment en ligne droite et jamais à reculons ; cependant, sa marche modeste lui permet, s'il parvient à atteindre l'ultime case en territoire adverse, de se transformer en pièce plus glorieuse, d'un pouvoir supérieur. C'est ce qui arrivera à notre héros, au terme de cette marche initiatique.

Si la partition dirigée par Gasparov séduit par sa clarté et ses différentes atmosphères –bucolique pour l'ouverture, emphatique pour l'annonce du recrutement à la partie royale, expressive pour rendre l'angoisse du novice, etc. –, on regrettera un conteur parfois couvert par des forte, d'autant que le débit est rapide à ces moments de suspense. La faute en est certainement à un texte bavard qui n'évite pas la redondance (« je suis un petit pion sans expérience »), le cliché (pion amoureux de sa dame inaccessible, sacrifice d'un copain soldat plein de pathos) et, à part ce destin rêvé du bout de buis en tronc d'église, manque singulièrement de poésie ou d'humour. L'adulte repart donc déçu par une histoire qui a quand même l'avantage de ne pas embrouiller le néophyte avec le récit de combinaisons compliquées.

LB