Chroniques

par monique parmentier

La Catena d’Adone | Adonis captif
opéra de Domenico Mazzocchi

Scherzi Musicali, Nicolas Achten
Festival Baroque de Pontoise / Théâtre Roger Barat, Herblay
- 16 octobre 2010
Nicolas Achten et ses Scherzi Musicali jouent La Catena d’Adone de Mazzocchi
© dr

Après deux disques qui ont fait sensation, Nicolas Achten et son ensemble Scherzi Musicali étaient invités pour la toute première fois en Île-de-France, à l’occasion de l’avant-dernier week-end du Festival Baroque de Pontoise. Une fois de plus cette invitation montre combien la manifestation continue, grâce à la personnalité de son directeur Patrick Lhotellier, d’être l’une des plus audacieux, alors qu’elle fête ses vingt-cinq ans d’existence. Toujours prêt à se renouveler, elle permet de découvrir de jeunes ensembles peu connus du public qui osent défendre des œuvres non inscrites au répertoire. Ainsi Nicolas Achten, qui n’a que vingt-cinq ans : dès la naissance de son ensemble, il fait preuve d’une véritable personnalité artistique. Cet interprète talentueux présente au public français une œuvre quasi méconnue de tous.

La Catena d’Adone, premier opéra romain de Domenico Mazzocchi (1592-1665), est une invitation au songe. Avec sensibilité, il exprime les troubles, peines et joies des amours partagées ou non. À L’infini désir d’un autre monde, thème du festival, cette œuvre répond par sa délicatesse et la sensualité de ses courtes mélodies exprimant les affects en clair-obscur ambrés. Créé à l’aube de l’histoire du genre, en 1626, cette œuvre conte une intrigue plutôt simple. Adonis aime Vénus mais doit fuir la colère de Mars (qui en est l’époux légitime). Il trouve refuge en une forêt où la magicienne Falsirena tombe éperdument amoureuse de lui et tente tout ce qui est en son pouvoir pour le garder, maléfices et supercheries compris. Elle n’hésite pas à prendre l’apparence de Vénus, mais Adonis lui reste insensible et retrouve la vraie déesse de l’Amour à la toute fin de l’opéra.

N’ayant jamais fait l’objet d’un enregistrement complet, La Catena d’Adone n’a, depuis le XVIIe siècle, connu que deux représentations par le Concerto Palatino, en 1999. Porteur enthousiaste de projets hors du commun et d’autant plus précieux, on ne peut que regretter que Nicolas Achten ne bénéficie que d’une brève tournée (Gand, Bruxelles, Herblay) pour dévoiler toute la magie qui en émane. Bénéficiant d’une mise en espace raffinée de Peggy Thomas et des éclairages subtils et recherchés de Guillaume Frommentin, l’œuvre emporte vers un monde fantasmagorique à la douce luminosité.

Nicolas Achten possède tous les dons. Chercheur, chanteur et musicien, il joue de plusieurs instruments (théorbe, harpe, clavecin) avec talent. Sa direction favorise une réelle complicité entre les interprètes. Échanges de regards et sourires permettent de se libérer des carcans. Il s’est entouré d’une troupe homogène de jeunes chanteurs possédant chacun une belle identité vocale. Tous connaissent leur rôle par cœur : aucune partition ne vient donc rompre la magie du théâtre.

Deux d’entre eux ont particulièrement retenu toute notre attention. Dans le rôle d’Adonis, le ténor – mais ici plutôt haute-contre – Reinoud Van Mechelen campe un jeune dieu sentimental à la séduction italianisante et solaire. En magicienne, Luciana Mancini fait preuve d’abattage ; son timbre cuivré, proche du bas dessus, fait vivre toute la palette émotionnelle de Falsirena. Notons également le très joli soprano acidulé de Catherine Lybaert dans le rôle de l’Amour.

Côté orchestre, chaque personnage trouve sa voix instrumentale. Pour Falsirena, la harpe de Nicolas Achten possède des charmes ensorcelants. En duo, en trio ou en ensemble, les musiciens créent un continuo particulièrement riche qui envoûte. Soulignons la présence claire et cristalline de l’épinette, de trois théorbes et d’une guitare qui, en plus de la harpe, permettent de jouer sur les couleurs et les nuances d’une page où tout participe de l’onirisme musical. Un enregistrement de ce chef-d’œuvre est prévu par ces talentueux interprètes (Alpha).

MP