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Chroniques
L’Italiana in Algeri | L’Italiennne à Alger
opéra de Gioacchino Rossini
Œuvre de commande pour sauver la saison mal engagée du Teatro San Benedetto de Venise en 1813, L'Italienne à Alger réunit tous les ingrédients pour plaire à un public désireux de s'amuser. Le jeune Rossini, alors âgé de seulement vingt-et-un ans, se sert d'un Orient idéalisé pour broder sa musique sur une trame assez proche de celle de L'Enlèvement au sérail.
La belle Isabella débarque en Algérie pour libérer son amant Lindoro, esclave du bey Mustafa. Tombé fou amoureux de l'Italienne, le bey sera dupé par cette femme à poigne après une cérémonie abracadabrante dite « du Pappataci » dont Isabelle profitera pour prendre le large. Si L'Italienne à Alger ne brille pas par son invention musicale, feu d'artifice de vocalises, rythme endiablé et turqueries drôlissimes expliquent que cet opéra-bouffe connut un grand succès dès sa création.
Un metteur en scène d’aujourd’hui pourrait être tenté de tirer vers le sérieux cette farce sans prétention. Il pourrait y lire une exaltation du féminisme, une satire des mœurs orientales, un potentiel conflit dans les relations internationales, une résurgence du nationaliste italien, etc. Rien de tout cela chez Andreï Serban, qui signe une mise en scène délibérément facétieuse et pourrait faire sienne la morale deFalstaff : « Tutto nel mondo è burla » (en français : « Tout est farce dans le monde »). Il n'a pas tort : c'est parfois par une lecture au premier degré qu'on respecte le mieux l'œuvre et son auteur, surtout chez Rossini. Car nul doute que le compositeur n'ait rien voulu d'autre que divertir : « mange et tais-toi » (pappa/tacci), s'amuse-t-il à mettre en musique tout en faisant un autre jeu de mots, les pappataci étant de gros moustiques. Albert Cohen n'aurait décidément pas goûté cet opéra de « l'horrible Rossini, ce petit âne qui ne s'intéressait qu’aux cannellonis qu'il confectionnait lui-même »…
Créée en 1998 à l'Opéra national de Paris, cette mise en scène d'Andrei Serban ne souffre pas trop de sa confrontation au temps. Bien sûr, l'effet comique s'amenuise un peu par rapport au tout premier spectacle. Bien sûr, en l'espace de douze ans, les références évoluent : si à l'époque le portrait du bey faisait forcément penser à Saddam Hussein, il évoquerait plutôt Kadhafi aujourd'hui. Mais la production reste amusante, voire très drôle, et la plupart des spectateurs semblent ravis de découvrir le spectacle.
La distribution vocale a changé, elle aussi.
Ce n'est plus Jennifer Larmore maisVivica Genaux qui interprète Isabelle. Elle est parfaite dans ce rôle qu'elle maîtrise avec brio. À son actif, on notera un physique avantageux et son aisance scénique, ajoutés à un timbre grave et une virtuosité idoine pour le répertoire rossinien – laissons les grincheux se moquer de sa façon peu orthodoxe de vocaliser : l'effet est là, et les quelques décrochages entendus ça et là ne sont pas dus à sa technique mais à un refroidissement, à en croire l'annonce faite après l'entracte. À ses côtés se démarque l'excellent Alessandro Corbelli (Taddeo) qui montre, une fois de plus, tous ses talents dans le répertoire italien : timbre chaleureux, voix projetée, souple, et présence scénique rendent finalement sympathique son personnage d'amant malheureux. Avec sa voix bien placée et son timbre chaleureux, Lawrence Brownlee (Lindoro) confirme être devenu un ténor rossinien qui compte, tandis que Marco Vinco (Mustafà) est efficace, même si on peut lui reprocher une émission dans la gorge et le nez.
L'Orchestre de l'Opéra national de Paris, dirigé par Maurizio Benini, semble envahi par le trac au début de l'Ouverture : les violons attaquent avec raideur et l'ensemble manque d'abord de flamboyance. Mais la fosse se rattrape au fur et à mesure de l'opéra. Sans être une interprétation d'anthologie, elle est de bonne facture.
IS