Chroniques

par bertrand bolognesi

L’enfance du Christ
oratorio d'Hector Berlioz

Opéra de Toulon
- 27 février 2009
L’enfance du Christ, oratorio d'Hector Berlioz
© frédéric stéphan

Le 10 décembre 1854 à Paris, Hector Berlioz connaît un grand succès en dirigeant la création de L’Enfance du Christ, l’oratorio en trois parties qui l’occupait depuis près de quatre ans. Voilà bien, cependant, une œuvre qui s’est construite en dehors de cette rigueur de projets qui caractérisait auparavant – et continuera de le faire par la suite – le travail du maître. Si l’on a pu reprocher à Berlioz de s’être peut-être écarté de son style, Pierre-René Serna rappelle qu’il n’en est rien, que le compositeur y « est tout entier reconnaissable : dans le pittoresque descriptif en fines touches, les formules rythmiques déhanchées, la couleur élégiaque confrontée aux emportements déchaînés » (in Berlioz de B à Z, Van de Velde, 2006).

Il n’est pas rare que les ouvrages non destinés aux planches par Berlioz excitent l’interprétation de metteurs en scène. Le phénomène, dont on ne discutera pas ici le bien-fondé, nous fait croiser çà et là des Roméo et Juliette et, surtout, des Damnation de Faust. L’on ne s’étonnera donc pas que Frédéric Andrau ait souhaité représenter L’enfance du Christ dans le charmant théâtre de Léon Feuchères. Avec la complicité de Luc Londiveau pour les costumes et d’Ivan Mathis pour la vidéo et les lumières, il signe une scénographie intelligente dans une esthétique assez austère. Le blanc domine, à peine rehaussé de quelques taches rouges désignant les forces mises en relation : ainsi de l’étole du roi Hérode, du maillot de Jésus et de la cravate du narrateur, acteur à part entière puisqu’à travers son récit il incarne la foi chrétienne, parvenue jusqu’aujourd’hui. Les autres intervenants, blancs, demeurent soumis à l’événement. Le spectacle s’engage comme un rituel à la grandeur toute classiqueantique, dira-t-on aussi bien – bientôt conclu par le chœur final.

Avi Klemberg rend enfin plus claire la diction qu’on lui connaissait, de sorte que son Narrateur fait mouche. Après un début un rien timide, son chant prend de l’assurance, affirmant une salutaire clarté de timbre. Le baryton Thomas Dolié lui répond en Polydorus, avant de devenir un touchant Joseph, révélé par la supplication de la troisième partie. Flatteusement impactée, la voix impose sa couleur. Jean-Marie Frémeau convainc également en père noble, grâce à la pertinence du style. Tendre égalité de l’émission, articulation presque mozartienne, onctuosité de la phrase : c’est par ces qualités que Blandine Staskiewicz sert le rôle de Marie. Enfin, Paul Gay donne un Hérode élégamment conduit et d’une réelle présence dramatique.

Force est de constater que le Chœur de l’Opéra Toulon Provence Méditerranée ne se montre guère à son aise avec cette partition. Si l’oreille n’aura rien à reprocher aux dames, les voix masculines déçoivent, formant des ensembles sans homogénéité et d’une pâleur regrettable. La mixité convient mieux, malgré d’indéniables soucis de justesse rencontrés par tous les registres. Au pupitre d’un Orchestre plutôt en verve, Laurent Petitgirard soigne des demi-teintes bienvenues et s’avère sainement attentif à l’équilibre scène/fosse.

BB