Chroniques

par irma foletti

L’elisir d’amore | L’élixir d’amour
opéra de Gaetano Donizetti

Opéra Grand Avignon / Opéra Confluence
- 21 mai 2019
Samuel Jean joue L'elisir d'amore (1832), célèbre opéra de Donizetti
© cédric et mickaël | studio delestrade

Nous avons assisté à une représentation d’un niveau plutôt modeste de L’elisir d’amore à l’Opéra Grand Avignon. Le melodramma giocoso de Donizetti est, d’abord, un opéra pour les voix, celles-ci séduisant trop peu ce soir. Par ordre d’apparition, le Nemorino de Sahy Ratia est un ténor de petite épaisseur, certes précis musicalement, mais à l’émission très nasale et, par ailleurs, en déficit de graves. La partie aigüe n’est pas non plus spécialement épanouie, le meilleur étant à rechercher dans quelques notes piano qui peuvent évoquer un tenore di grazia, comme au cours de son délicat grand air Una furtiva lagrima. En Adina, le soprano Maria Mudryak possède intrinsèquement un matériau plus étoffé, mais son intonation est régulièrement à côté, le souffle parfois court sur les phrases les plus longues, et les passages d’agilité le plus souvent savonnés. Dommage, car la chanteuse a un potentiel certain : une remise en place technique est donc plus que souhaitable. Parmi les solistes, le meilleur élément est le baryton joliment timbré Philippe-Nicolas Martin, à l’aigu facile, même si Belcore n’est pas forcément son meilleur rôle : le volume est assez réduit, et il manque une certaine dose de mordant, voire d’arrogance au personnage, surtout en première partie. La basse Sébastien Parotte (Dulcamara) relève, quant à lui, d’une erreur de casting, qui suffirait à discréditer la production dans sa globalité. L’artiste ne possède pas les atouts qui permettent de défendre correctement un tel emploi : voix très obscure ou engorgée, il s’étrangle dans les aigus et devient inaudible par séquences. La Giannetta de Pauline Rouillard, moins exposée toutefois dans ce rôle plus secondaire, fait entendre un timbre relativement pointu, au vibrato développé.

La direction musicale de Samuel Jean ne déchaîne pas non plus l’enthousiasme, même si les musiciens de l’Orchestre Régional Avignon-Provence font preuve de cohérence et de concentration. Les tempi sont ralentis par moments, donnant une curieuse allure solennelle à la partition, et plus alertes à d’autres, mais le chef laisse plus d’une fois le volume des instrumentistes se développer trop fortement, mettant les chanteurs en difficulté. On repère aussi de nombreux petits décalages de rythme, qui touchent certains solistes mais aussi les choristes, suffisamment vaillants pour ce qui les concerne.

La nouvelle production de Fanny Gioria situe l’action dans une fête foraine, de nos jours. Nemorino est vendeur de barbe à papa, et Adina tient une boutique de peluches. Ce parti pris, dans la scénographie d’Hervé Cherblanc, paraît prometteur au départ, avec une grande roue, des guirlandes d’ampoules électriques jusque dans la salle, et une passerelle entre salle et plateau qui permet d’amener du mouvement. Surtout qu’avant le lever de rideau, ce sont de vrais-faux militaires – avec écusson bleu-blanc-rouge Vigipirate – qui patrouillent dans les travées, en compagnie de quelques paysans. Mais l’ennui gagne peu à peu, le jeu est extrêmement convenu et attendu et les déplacements du chœur manquent d’intensité et de naturel. Au bilan du premier acte, on se délecte des pas de danse en cadence, dans le final, des militaires en tutu, quelques secondes pourtant bien courtes. Les choses s’améliorent nettement après l’entracte, les choristes étant moins sollicités dans cette partie, et l’action justement plus recentrée sur les protagonistes. Et puis le génie buffo de Donizetti reprend le dessus, comme lorsque Nemorino, après avoir bu sans modération du vin de Bordeaux – le fameux elisir –, titube entre les villageoises qui le courtisent.

IF