Chroniques

par gérard corneloup

Kazushi Ono joue Zemlinsky et Beethoven
ouverture de la nouvelle saison

Opéra national de Lyon
- 30 septembre 2012
Kazushi Ono joue Zemlinsky et Beethoven
© jp. maurin

Deux partitions bien différentes, l’une archi connue, l’autre quasiment inconnue, se côtoient lors du concert vespéral ouvrant, symphoniquement, la nouvelle saison de l’Opéra national de Lyon. Une union finalement fort bien assortie, doublée par une direction servant au mieux ces deux mondes musicaux, avec une interprétation idoine, par un orchestre en grande forme. Que demander de plus ?

Inutile de revenir trop longuement sur les deux partitions de Beethoven, présentées en première partie. La Symphonie en fa majeur Op.93 n°8 tranche avec le dramatisme frémissant de plusieurs des mondes symphoniques beethovéniens. Entre la lumineuse Septième et la grandiose et conclusive Neuvième, cette plus concise Huitième est une page frémissante de vie intense, une page heureuse, s’articulant autour de son plaisant Allegro scherzando, lequel apparaît comme un hommage non dénué d’humour aux grands anciens du classicisme viennois façon papa Haydn et cousin Mozart. De son côté, l’ouverture Leonore, la troisième de la série, un rien rabâchée et qui n’ajoute rien ou pas grand-chose au génie du compositeur, est tout aussi bien servie par la baguette de Kazushi Ono.

C’est à la seconde partie que revient l’honneur de faire redécouvrir une œuvre relativement oubliée d’un compositeur qui, sans occuper la place qui devrait être la sienne dans les programmes, l’est un peu moins : Alexander von Zemlinsky ; une œuvre à la charnière de deux siècles, le XIXe et le XXe, la fantaisie pour orchestre Die Seejungfrau créée en janvier 1905, avec un œil jeté sur les derniers romantiques et un autre risqué vers les orchestrations nouvelles imaginées par les « petits jeunes » comme Arnold Schönberg. Elle est bâtie sur La petite sirène, le fameux conte d’Andersen, dans lequel l’amour éclatant de la jeune déesse des eaux est finalement remplacé par la douleur qui l’assaille, quand elle se trouve repoussée par le jeune prince qu’elle a sauvé de la noyade. Ces divers éléments se retrouvent développés, mêlés, opposés, fusionnés dans une partition contrastée, parfois éclatante, comme dans son Scherzo à panache qui dépeint un bal, parfois douloureuse quand l’héroïne, vivant et aimant désormais sur l’élément solide, se suicide en se jetant dans son élément liquide original. C’est l’occasion d’un remarquable travail du compositeur sur les divers timbres de l’orchestre, jouant volontiers en courts solos ou en séquences de petits groupes, à commencer par les cordes en sourdine.

Le chef dessine avec art, brio, mais aussi simplicité et ductilité les diverses composantes de cet amalgame d’or fin où les pupitres de l’orchestre lyonnais font merveille, y compris celui des cors, happé par une nouvelle génération d’interprètes aux impeccables attaques. Du Zemlinsky, on en redemande !

GC