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Sur de courts textes de Franz Kafka tirés principalement de son Journal et de ses lettres à Milena, György Kurtág (né en 1926) a composé en 1985 Kafka-Fragmente, partition à la fois intimiste et puissante, aux contours figuratifs. Une heure de musique unique en son genre puisqu'elle associe une soprano et un violon. Quelques mots, parfois quelques phrases, voire de brèves histoires qui deviennent chacun de véritables microcosmes, placent ces pages parmi les plus significatives du compositeur hongrois. Constitué de quarante duos pour voix et violon, le cycle illustre à la fois la cohérence, la sincérité, le profond discernement de l'univers kafkaïen, mais aussi l'extrême liberté qu'entretient le compositeur hongrois avec le texte de l'écrivain tchèque de langue allemande.

À partir de ces fragments, Antoine Gindt a conçu un théâtre tout à fait original et remarquablement charpenté dont la création a été donnée à Orléans en 2007 et présenté aujourd'hui au Théâtre de Gennevilliers. Pour dramatiser cette œuvre initialement destinée au concert, il a imaginé une scène sur laquelle s'accomplit le rêve de Kafka. Un théâtre inversé sur une scénographie magnifiquement éclairée de Klaus Grünberg où la tension des relations imaginées par le compositeur est scéniquement et cinématographiquement illustrée. La mise en abîme suscitée par les aphorismes de Kafka ordonnance le mouvement des corps en un geste en constante mutation.

Ce spectacle est de toute beauté. Sur un plateau simple de damier blanc agrémenté de subtils jeux de lumière et d'un film aux superbes images une jolie violoniste virtuose, Carolin Widmann, converse avec une soprano, Salome Kammer, solide et frêle a la fois, chantant en allemand avec une vérité prenante ces fragments finement assemblés pour constituer un conte d'une profonde humanité qui se conclut sur la fusion du compositeur, Kurtág, et de sa femme. Cette production est un enchantement.

BS