Chroniques

par bertrand bolognesi

Jun Märkl dirige l'Orchestre national de Lyon
Olivier Messiaen | Et exspecto resurrectionem mortuorum

Ferenc Liszt | Dante Symphonie S.109
Cité de la musique, Paris
- 2 octobre 2005
le chef Jun Märkl, nouveau patron de l'Orchestre national de Lyon
© sébastien érome

Premier volet d’un vaste cycle intitulé La vie, la mort, la quinzaine consacrée aux Requiem – ouverte avant-hier par la Musique funèbre K477 de Mozart et sa Messe K626 (posthume), poursuivie le lendemain par la reprise aux deux tiers du programme Michael Jarrell qu’Accentus et l’Ensemble Intercontemporain faisaient entendre à Strasbourg tout récemment [lire notre chronique du 24 septembre 2005] – accueille cet après-midi l’Orchestre national de Lyon pour la redite parisienne du concert donné in loco le 30 septembre. Son nouveau chef, Jun Märkl, inaugure une saison tout autant concentrée sur un hommage à Ferenc Liszt que sur la célébration imminente du centenaire de la formation.

Si les musiciens de l’ONL sonneront bientôt Hamlet, la Csárdás macabre, Tasso, le Concerto n°2, Prométhée ou la Faust Symphonie, c’est par la Dante Symphonie S.109 de 1856 qu’ils introduisent le présent menu. Par des contrastes bienvenus, une solennité un rien pompeuse caractérisant bien les premières mesures d’Inferno, Jun Märkl affirme une grande expressivité, joue de cordes avantageusement fluides qu’on aimerait cependant moins étouffées par un usage parfois mal dosé de la percussion. Dans les tutti musclés, la gestion de la masse orchestrale est bien assurée, mais, soucieuse de questions d’équilibre entre les pupitres, manque certains effets « diaboliques » typiquement lisztiens. On saluera en général les cordes lyonnaises, malgré des pizz’ de contrebasses improbables au centre du mouvement, et des cuivres efficaces.

Purgatorio est élégamment énoncé, dans une lecture à la fois claire et incisive. Irréprochable, la proposition de Märkl oublie le mystère et la dimension sacrée, moteurs de la démesure romantique – par exemple : juste avant le Magnificat, la sonorité demeure d’une seule pâte, si bien que le chœur arrive assez platement. Elle n’en demeure pas moins d’une rare tenue. Prochain rendez-vous lisztien avec l’ONL : Vallée d’Obermann, orchestrée par Zoltán Kocsis qui la dirigera les 3 et 5 novembre à l’Auditorium Ravel.

Créé par Serge Baudo à la tête du Domaine Musical il y a quarante ans, Et exspecto resurrectionem mortuorum d’Olivier Messiaen, dédié à la mémoire des victimes des deux guerres mondiales,est une œuvre encore estimée redoutable par de nombreux orchestres. Faisant exclusivement appel à la petite harmonie et à la percussion, elle réclame des instrumentistes une fiabilité absolu (vertigineuses premières mesures du second mouvement) et du chef un raffinement parfois ingrat. Car enfin, si l’on perçoit facilement la majesté des mélodies, l’extrême soin que la texture impose nécessite une écoute plus précise.

Aujourd’hui, Jun Märkl offre dès la première page un fort beau travail sur les alliages timbrique, dans la subtilité de natures sonores voisines. Prenant le temps d’écouter et de goûter avec nous chaque évolution, laissant les harmoniques faire leur travail, en sachant l’attendre, il favorise le mystère, jusqu’à transporter (dans le troisième mouvement) l’imagination vers l’éternité des glaciers de La Meije où le compositeur rêvait une exécution mémorable. Dans la quatrième partie, il use d’une certaine tension sur la récurrence des trois coups de gongs, d’abord p, ensuite mf, puis f, et ainsi de suite, maîtrisant parfaitement l’intensité dont il « prononce » la charge manifeste. Enfin, le long thrène parfaitement mené clôt une interprétation inspirée.

BB