Chroniques

par vincent guillemin

intégrale des symphonies de Tchaïkovski
Daniele Gatti dirige l’Orchestre national de France

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
- 24 octobre 2013
à Paris, Daniele GAtti dirige une intégrale des symphonies de Tchaïkovski
© dr

La mode des intégrales de symphonies a dépassé le disque pour s’installer au concert, de sorte que certaines saisons parisiennes proposent jusqu’à trois cycles Beethoven, de même qu’on rencontre chaque été plusieurs cycles intégraux à Salzbourg (Mahler en 2013, Bruckner en 2014). Après Mahler, Beethoven et Brahms, l’Orchestre national de France et son directeur musical Daniele Gatti s’attèle à un compositeur tout aussi connu, mais dont on joue beaucoup plus rarement les première symphonies : Piotr Tchaïkovski.

Ce second concert s’ouvre directement avec la Symphonie en ut mineur Op.17 n°2 « Petite Russie ». Commencée en Ukraine (d’où son surnom) et achevée en 1872 avant d’être profondément remaniée pour être recréée en 1881 à Moscou, l’œuvre s’inscrit dans la continuité de la musique nationale initiée par Glinka et Rubinstein, tout en montrant déjà une personnalité véritable et cette attrait de l’occident que n’auront jamais les compositeurs russes contemporains de Tchaïkovski. Dès les premières notes de l’Andante sostenuto, nous comprenons qu’orchestre et chef sont, plus encore que dans l’exécution de la Symphonie en sol mineur Op.13 n°1 « Rêves d’hiver », en parfaite adéquation, et même, ce qui est plus surprenant, que le chef prend moins de risque qu’à l’habitude et joue de manière fort slave une œuvre qui n’offre guère d’autre possibilité.

Plus impressionnant encore, la qualité des pupitres prouve que l’orchestre pourra surprendre dans la saison jusque dans les concerts Bruckner : Sarah Nemtanu, le premier violon, souvent un temps en avance par le passé, guide désormais les cordes d’une voie assurée, alors qu’à chaque solo de la petite harmonie se démarquent la clarinette de Bruno Bonansea, le hautbois de Nora Cismondi et plus encore le basson de Frédéric Durand. Pourtant, le plus étonnant soliste se trouve chez les cors dont le premier, Vincent Léonard, joue sans accroc la longue et complexe partie qui lui revient.

Composé en un été en 1875, la Symphonie en ré majeur Op.29 n°3 permet, par les accents profondément brahmsiens des deuxième et troisième mouvements (Alla Tedesca et Andante), de faire ressortir la profondeur et le génie du compositeur. Même si l’écriture demeure plus faible que celle des trois dernières symphonies, l’extrême raffinement avec lequel sont traitées les parties lentes annonce les prémices de l’Adagio lamentoso final de la Pathétique qu’on entendra cette saison. Le quatrième mouvement (Allegro vivo) impressionne, tant les notes sautillent avec délicatesse et brio d’un pupitre à l’autre, parcourant tout l’orchestre en réalisant de superbes allers-retours, quand le cinquième – Allegro con fuoco, in tempo di Polacca – ramène au Tchaïkovski caricatural plus connu du grand public, proposant une grande explosion dans la coda sans toutefois présenter autant d’intérêt que le reste de la partition.

D’une excellente surprise dans la Deuxième à une agréable confirmation dans la Troisième, cette soirée laisse entrevoir que l’Orchestre national de France rejoue dès lors dans une cour dont il semblait s’être quelque peu éloigné ces dernières années. Promettant beaucoup, la suite de cette intégrale est à suivre avec intérêt.

VG