Chroniques

par bertrand bolognesi

Il barbiere di Siviglia | Le barbier de Séville
opéra de Giovanni Paisiello

Atelier Lyrique / Théâtre Municipal, Tourcoing
- 27 février 2005
Il barbiere di Siviglia, opéra de Giovanni Paisiello
© danièle pierre

Nous vous en parlions il y a quelques semaines à propos de la réédition chez Hungaroton d'un fort beau disque [lire notre critique du CD] : Il barbiere di Siviglia de Giovanni Paisiello, grand'papa de celui de Rossini, était donné à Tourcoing par une équipe plutôt bien choisie (pour information, deux enregistrements live sont également disponibles : l'un réunissant Sciutti, Monti et Panerai sous la baguette de Fasano, chez Living Stage, l'autre capté au Teatro Verdi de Trieste, avec Siraqusa, Dell'Oste et Di Gioia conduits par Carella, chez Dynamic).

Ecrit sur un livret de Giuseppe Petrosellini à partir de la célèbre pièce de Beaumarchais, ce Barbier fut créé à l'automne 1782 au Théâtre Impérial de Saint-Pétersbourg. Il est l'avant-dernier des quatre opéras que Paisiello livra lors de son séjour à la cour de Catherine II, les trois autres étant Nitteti (1777), La serva padrona (1781) et Il mondo della luna (1782). Il connut un immense succès, puisque les plus grandes cours européennes le produisirent très rapidement après la capitale russe. Ce n'est qu'en 1815 que la version de Rossini le couvrira d'une ombre nouvelle. Si le travail du plus jeune est le plus connu aujourd’hui, il conviendra d'en accuser la mauvaise mémoire des mélomanes et autres hommes de bonne volonté. Car à vouloir évoquer une moindre qualité chez le fruit de l'aîné, on se ridiculisera à coup sûr ! Si le goût n'est qu'affaire de mode, l'histoire du Barbiere di Siviglia de Paisiello en est la triste illustration. Avec un livret plus concis, des récitatifs mieux rythmés, un sens plus direct de la comédie et une écriture musicale à bien des égards plus raffinée, l'ouvrage demeure en tout point équilibré et sait maintenir une légèreté délicieuse.

Sur scène, les choix de distribution s'avèrent judicieux dans l'ensemble. Si Philippe Georges est un Bartolo fort drôle quoique vocalement inégal, le Basilio de Philippe Rabier offre un timbre flatteur. Jean Delescluse campe un Almaviva transi qu'il sert d'une musicalité indéniable, parfois confidentielle, mais toujours d'à-propos. On apprécie l'aisance de l'art de Hjördis Thébault en Rosine qui n'a pas froid aux yeux, le plus attachant restant Pierre-Yves Pruvot, excellent Figaro, généreusement sonore, à la vitalité irrésistible. Jean-Noël Poggiali et Patrick Alliotte-Roux forment un couple de valets fort drôle - la belle chanson de bâillements et éternuements de la seconde scène de l'Acte II gagne les rires de la salle -, que l'on retrouve plus tard en alcade et en notaire.

Après un premier acte devant la jalousie de Rosine, dans la rue, nous pénétrons les appartements. Là, tandis qu'un frère jumeau du rideau de scène délimite le fond, un plateau encagé formant une perspective idéale sert de théâtre à une mise en scène exclusivement construite sur une direction d'acteurs précise et efficace. Nous devons ce fin travail à Christian Schiaretti et Arnaud Décarsin qui intègrent la légèreté d'écriture du compositeur à leur spectacle qui s'achève dans les couleurs d'un livre de contes, éclairées par la lune. En fosse, Jean-Claude Malgoire propose une lecture soigneusement dosée, n'exagérant aucun contraste et s'inscrivant à juste titre dans une veine classique. Dans quelques semaines, La Grande Ecurie et la Chambre du Roy soutiendrala même équipe (à quelques exceptions près) dans Il barbiere di Siviglia de… Rossini.

BB