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Chroniques
I Gemelli et Monteverdi
Orfeo, favola in musica
Fondé en 2018 par Emiliano Gonzalez Toro, l’ensemble I Gemelli fit paraître son enregistrement d’Orfeo de Claudio Monteverdi il y a un an environ. Ce soir, au Grand Théâtre de Tours dans le cadre du festival Concerts d’automne, la formation baroque nous gratifie d'une représentation où la musique est absolument formidable, depuis l’impeccable toccata d’ouverture, jouée par les brillantes sacqueboutes (ténors et basse), jusqu’aux violons et violes de gambe virtuoses, en passant par la harpe enchanteresse de Marie-Domitille Murez et les luth et théorbe poétiques de Vincent Flückiger et Nacho Laguna. Se dirigeant eux-mêmes, les instrumentistes sont disposés en arc-de-cercle et ménagent un petit espace de jeu entre eux et Violaine Cochard, aux claviers du clavecin et de l’orgue, en compagnie de son collègue Matthieu Boutineau au second clavecin, placés au centre.
Les solistes vocaux sont au nombre de onze, soit Orfeo aux côtés de dix chanteurs et chanteuses, tant le rôle-titre est sollicité, à la fois quantitativement et qualitativement. Emiliano Gonzalez Toro passe par tous les affects, d’abord arborant un sourire jusqu’aux oreilles lorsqu’il écoute les joyeux bergers. Mais le visage se fait plus sérieux dès qu’il commence à chanter, comme s’il pressentait déjà la suite plus noire de l’argument. Le registre grave émet de réels accents barytonnaux et, à l’autre extrémité, l’aigu se déploie et s’épanouit. C’est aussi un Orfeo qui joue pleinement, personnage entier que pétrifie l’annonce de la mort de sa chère Euridice, pris ensuite de désespoir, se jetant à plusieurs reprises au sol.
Entrant la première en scène en Musica, Lauranne Oliva endosse également le bref rôle d’Euridice un peu plus tard. La voix est assurée et développe du caractère, sachant aussi s’alléger lorsqu’elle est accompagnée par le luth seul ou la harpe. Natalie Pérez en Messaggiera annonce la mort d’Eurydice dans un style doloriste, d’abord depuis les coulisses, puis en émettant quelques notes fixes, sans vibrato, qui ajoutent à la peine. Dotée d’une appréciable projection naturelle, Alix Le Saux (La Speranza) abandonne justement le héros à son entrée aux enfers (Lasciate ogni speranza, voi ch’entrate). Le poète se retrouve devant la voix d’outre-tombe de la basse Jérôme Varnier (Caronte/Pastore), un personnage vraiment intimidant. Autre basse, Nicolas Brooymans (Plutone) dévoile un instrument moins sombre et joliment timbré.
Tous les artistes sont à citer pour leurs qualités vocales individuelles ainsi que la belle cohésion d’ensemble : Juan Sancho (Pastore), Fulvio Bettini (Apollo), Olivier Coiffet (Pastore), Mathilde Etienne (Proserpina), Maud Gnidaz (Ninfa). Les séquences chorales amènent un même plaisir, les duos, trios, parties à cinq ou encore le chœur final. Tout au long de la représentation, chacun et chacune semble totalement investi, connaissant par cœur sa partie, sans nul besoin de partition.
IF