Chroniques

par laurent bergnach

HoMo XeRoX
théâtre musical de Claude Lenners

Opéra de Tours
- 26 mars 2006
HoMo XeRoX, théâtre musical de Claude Lenners
© françois berthon

Ce sont la force et l'actualité des textes du Gai Savoir qui ont conduit le Luxembourgeois Claude Lenners (né en 1956) à la confection d'un « libretto fragmentaire pouvant servir de base pour un projet de théâtre musical dramatique ». Du livre de Nietzsche (paru en 1882), il tire considérations et réflexions sur les rapports des hommes entre eux – l'amitié, la morale, la domination des masses, le châtiment, le rire –, avec la science – la conservation de l'espèce, les narcotiques – ou avec l'art – la passion des Antiques pour le beau discours, l'importance du rythme, de la musique. « Concevoir le projet HoMo XeRoX, explique le compositeur,ce serait la tentative d'un regard dans le miroir, afin de percevoir – à travers les reflets de nos racines culturelles gréco-romaines – qu'il nous incombe à prendre en main le destin de notre civilisation, dans un monde dominé par la technologie moderne ».

Des bruits d'eau et des phrases accompagnent la préparation des musiciens, avant l'entrée du Maître et de son disciple – Philippe Fauconnier, Karim Hammiche. Autour des comédiens, sur des podiums longilignes, sont disposés des aquariums de hauteurs différentes. Nous sommes dans un laboratoire, qui n'attend plus que l'arrivée des cobayes-musiciens – membres du Chœur de l'Opéra de Tours – pour commencer des expériences. Échangeant leurs propos le plus souvent dans le silence, ces deux-là cherchent à créer le musicien supérieur. Dans ses notes d'intention, le metteur en scène José Manuel Cano Lopez évoque les univers de Frankenstein, Philip K. Dick ou de Matrix. Hélas, il a beau emprunter son grand manteau à Keanu Reeves, son gant magique à Tom Cruise, sa science-fiction a un côté désuet. À l'heure où la technologie nous propose des capteurs pour saisir à l'identique les sensations d'un autre être vivant, les gesticulations névrotiques des choristes, les figures un peu molles d'un danseur androïde – Julien Barot – nous ramènent au temps de Mabuse au lieu d'annoncer celui de Nikopol. De même, l'humiliation par la mise à nu appartient à une autre époque. Enfin, les images projetées sur trois écrans (souris blanche, shoot, abattoir, rivage), même quand elles jouent sur la métaphore, sont d'une pauvreté sans mesure, et seul ce corps qui court vers l'horizon, dans un couloir étrange, apporte un peu de mystère au propos.

En fosse, Jacques Pési conduit l'Orchestre Symphonique Région Centre Tours dans une partition qui laisse d'abord place aux cuivres (présence des cors en baignoire) et aux percussions (marimba, timbales), avant de libérer les cordes jusqu'à l'impressionnant solo final du violoniste Lyonel Schmit. Les interventions scéniques de Pierre Chatenay (piano) et Patrick Desreumaux (flûte) sont agréables, à l'inverse des inserts d'électroacoustique bien décevants, comme souvent, et des emprunts à Bizet ou Rossini (scène 4) assez ridicules. Côté voix, outre le chœur – qui s'exprime par onomatopées, à travers un Zaoum ou les leçons du Maître –, signalons l'intervention en allemand du mezzo Nicole Boucher (scène 6) ; son chant rond et légèrement corsé paraît tout d'abord fragile puis éclate en force. On sourit évidemment quand son « dégage, voleur, tortionnaire ! » accompagne le départ d'un des nombreux spectateurs qui n'ont pu attendre la fin de ces deux heures de spectacle pour en fuir l'ennui.

LB