Chroniques

par jean mathat-christol

Hommage à Allen Ginsberg
par Philip Glass et Patti Smith

Les Nuits de Fourvière / Odéon, Lyon
- 30 juin 2009
Philip Glass et Patti Smith rendent hommage à Ginsberg
© dr

De retour dans le même vieux trou noir / où la possibilité ferme la / dernière porte (Allen Ginsberg, Kaddish, 1961)

Lorsqu'il meurt en 1997, les mots de Ginsberg closent, en même temps que son œuvre, toute une époque. Diversement apprécié en son temps (à la fois considéré par le FBI comme une menace contre la sécurité intérieure et finaliste pour l'attribution du Pulitzer), Ginsberg est maintenant reconnu comme le chantre de la Beat generation et comme un des plus grands poètes de son temps.

Amis depuis trente ans – et tous deux amis de Ginsberg –, Philip Glass et Patti Smith collaborent à l'initiative du compositeur. Glass a joué, pendant des années, la partition Wichita Vortex Sutra – tiré de l'opéra Hydrogen Jukebox composé pour le livret de Ginsberg, 1990 – tandis que Ginsberg, sur scène ou par voie d'enregistrement audio, lisait son texte. Quelques années après sa mort, le musicien a recommencé, d'abord avec la voix enregistrée, puis a proposé à Patti Smith de lire le texte à sa façon. Au demeurant, Patti Smith aura démontré, avec Twelve (album seulement constitué de reprises), qu'elle a un vrai talent quand il s'agit de réinterpréter un texte qui n'est pas d'elle.

De cette amitié naît cet hommage : la musique de Philip Glass, celle de Patti Smith, les textes de Ginsberg, ceux de Patti Smith inspirés par le poète, et d'autres de William Blake, que Ginsberg révérait.

La native de Chicago a ouvert le concert par une pensée à Michael Jackson, suivi d'une autre de ses chansons (à chaque fois accompagnée du guitariste Lenny Kaye). Glass, seul au piano, a d'abord joué l'Étude n°10, puis l'Étude n°2 à laquelle il a fait immédiatement suivre Metamorphosis n°2. Sur Opening (des Glassworks, 1981), Patti Smith l'a rejoint pour lire un texte à elle, Notes for the future. Wichita Vortex Sutra (que nous évoquions plus haut) a servi de pivot. Blue Thangka, suivi d'un texte sur le mentor de Ginsberg, le Vidyadhara Chögyam Trungpa Rinpoché (sur Metamorphosis n°3), nous ont amenés, pour conclure, à People Have the Power, un titre de la chanteuse datant de 1988. Forts du lien qui s'était créé entre la scène et le public, des gens se sont levés, puis d'autres encore, et se sont rapprochés de la scène (très très près de Patti Smith, joviale, tandis que le service de sécurité s'agitait discrètement autour d'elle), pour finalement battre le rappel… Mais c'était fini.

Cet Hommage à Allen Ginsberg n'aura eu qu'un défaut : un manque de transitions entre chaque partie ; et l'absence, peut-être, d'une vraie collaboration entre les deux artistes (une composition et un texte originaux). Toutefois l'ensemble était très agréable, rendu intimiste par le cadre, touchant dans le fond, et remarquablement poétique dans la forme, permettant au public –venu soit pour l'un, soit pour l'autre – d'entrevoir ce qui les connecte, les tient ensemble sur scène.

JMC