Chroniques

par irma foletti

Histoire du soldat
mélodrame d’Igor Stravinsky

Opéra national de Montpellier / Comédie
- 25 mai 2019
Histoire du soldat, mélodrame d’Igor Stravinsky, à Montpellier
© marc ginot

Dénommée mimodrame par son compositeur, Histoire du soldat n’est pas à proprement parler un opéra et relève plutôt du théâtre musical. Les rôles ne sont pas chantés, mais parlés en respectant le rythme de la partition, l’orchestration étant réduite à sept instruments. Le spectacle conçu par Alex Ollé, membre du collectif catalan La Fura dels Baus, et repris à Montpellier par Jean-Michel Criqui, a déjà été donné ces dernières saisons à Lausanne et à Lyon, coproducteurs de la réalisation.

L’action se joue sur le plateau, l’orchestre est placé à l’arrière, sur un niveau surélevé plongé dans la pénombre. Un patient repose sur un lit d’hôpital, devant une paroi de faïence blanche prenant toute la largeur de la scène, celle-ci accueillant régulièrement des projections vidéo. Certaines images de torture, qui ressemblent de très près à celles du scandale d’Abou Ghraib perpétré par des soldats américains en Irak, sont susceptibles de choquer la sensibilité du public. Le spectacle est d’ailleurs, en toute logique, déconseillé au moins de treize ans. Ces sombres heures passées sont revécues en songe par le soldat, lors de flashs, ainsi que – du moins on peut le supposer – par le soldat blessé rapatrié, désormais malade, plongé dans un état végétatif. Aucun détail de la toilette intime de ce dernier, effectuée par le personnel médical, ne nous est épargné.

L’acteur Sébastien Dutrieux cumule les rôles du Narrateur, du Soldat et du Diable, soit en déclamant, soit par le biais de textes préenregistrés. La voix du Diable sort de haut-parleurs situés du côté du malade. Le soldat lui donne la réplique dans une synchronisation bien mise au point. Mais ces deux personnages ne font qu’un, un peu plus tard : lorsque le Soldat débranche l’appareil respiratoire du malade, c’est ce premier qui commence à défaillir en s’étouffant. C’est ensuite un médecin du CPC (Centre Psychologique de Crise) qui prend en charge quatre combattants, en vue de leur reconstruction psychologique après traumatisme. Lorsque le Soldat rentre chez les siens, sa famille ne trouve pas mieux que de lui offrir un pistolet-mitrailleur. Le voilà sujet à un enfermement mental de plus en plus aigu. Une porte est murée dans la paroi, et il essaie, avec succès, son cadeau sur le mur, criblé d’impacts de balles. En conclusion, des huiles militaires viennent avec des médailles remettre les honneurs au souffrant, presqu’à titre posthume. Sa mère signe l’autorisation d’arrêt d’assistance médicale, on débranche les appareils et rapidement le brancard est rangé à la morgue, en compartiment réfrigéré.

La partie musicale n’est heureusement pas si noire, certes souvent grinçante quand elle accompagne le texte de Charles Ferdinand Ramuz, mais généralement très rythmée, voire enjouée dans ses phrases qui reviennent régulièrement. La direction musicale de Magnus Fryklund est précise et fort équilibrée, les musiciens ne sont jamais pris en défaut dans cet ouvrage aux rythmes variés et piégeux.

IF