Chroniques

par gérard corneloup

Hamlet
opéra d'Ambroise Thomas

Opéra-Théâtre, Saint-Étienne
- 7 mars 2010
Hamlet, opéra de Thomas d'après Shakespeare, à Saint-Étienne
© charlie jurine

Hamlet d'Ambroise Thomas appartient aux opéras historiques français de l'époque romantique, colorés, chamarrés, qui démultiplient duos amoureux et de fureur, ensembles concertant et masses chorales en défilés, sans oublier l'inévitable ballet, immanquablement fixé au troisième acte – ce n'est plus du grand opéra, mais du « gros opéra » ! Ce genre eut son heure de gloire puis connut revers, moqueries et raréfaction des voix assez solides pour le défendre, aussi, eut à souffrir la redécouverte de l'opéra baroque, etc. Du coup, la reprise de l'un de ces pachydermes lyriques qui ravirent jadis nos ancêtres mélomanes et accaparèrent volontiers l'affiche (des Huguenots de Meyerbeer à la Muette de Portici d'Auber, en passant par l'ouvrage de Thomas) fait l’événement.

L'Opéra de Saint-Étienne vient donc d'avoir l'audace de présenter ce dernier, trois fois de suite – sans le ballet, il est vrai. Globalement, l'écoute des cinq actes fait découvrir bien des longueurs, des faiblesses harmoniques, des effets, des répétitions, au milieu de quoi surnagent quelques indéniables fleurons, tels l'air à boire d'Hamlet ou l'air de folie d'Ophélie. Ce n'est guère le livret, commis par les sieurs Barbier et Carré, qui pourra sauver la mise, n'étant qu'une médiocre adaptation castrée du formidable original shakespearien.

Et ce n'est pas non plus la mise en scène conventionnelle, poussiéreuse et poussive, imaginée par Bernard Habermeyer, qui saurait arranger les choses, ni les costumes signés Dominique Burte – mêlant des courtisans Renaissance et des fossoyeurs-égoutiers en marcels sur muscles, très XXIe siècle – ; encore moins l'unique décor, particulièrement laid, imaginé par Éric Chevalier.

Heureusement, la qualité pleine et entière de la partie musicale sauve cette redécouverte du naufrage, à commencer par la direction ardente, généreuse, motivante, mais précise et attentive, développée par maestro Laurent Campellone à la tête d'un orchestre maison quelques fois un peu faible, mais des chœurs d'une réjouissante solidité.

Surtout, une distribution parfaitement adaptée à l'ouvrage fait acte, où personne ne démérite : ni Jean-Sébastien Bou (Hamlet), jeune baryton plein de ressources, doté d'une voix musicale à souhait, ni Nicolas Cavallier (Claudius) au chant solide et expressif, ni Doris Lamprecht (Gertrude) au registre très étendu ou Amira Selim (Ophélie) pleine d'expressivité et de sensibilité. Un vrai régal ! Finalement, il suffisait de fermer les yeux et d’oublier sa montre pour passer un excellent moment de joie musicale.

GC